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Les frères Coen et l’existance de D.ieu

Par Mickabenda @judaicine

a-serious-man-judaicineNous vous proposons un retour sur le génial « A Serious Man » des frères Coen, en publiant ici l’analyse faite par le rabbin Yeshaya Dalsace sur le film le plus juif des frère Coen.

Les frères Coen, génies du film d’action et étrange, portraitistes de grand talent, parlent enfin de Judaïsme… à ne pas manquer !

par le rabbin Yeshaya Dalsace

Une énigme mystique
La clé principale pour comprendre le thème mystique du film est le sujet de travail du personnage principal qui est physicien, « le chat de Schrödinger« .

Son frère, fou, cherche à résoudre des équations mathématiques de probabilité lui permettant de gagner aux jeux de hasard. S’il n’est pas parvenu à résoudre l’équation, remplissant un petit carnet de dessins délirants, il parvient néanmoins à dévaliser des casinos en gagnant à tous les coups.
Y a-t-il ou non un déterminisme ? Plusieurs niveaux de réalité peuvent-ils se superposer ? Peut-on être ici et ailleurs en même temps ? Peut-on être à la fois mort et vivant ? C’est la question que pose d’emblée le film avec le mystérieux personnage de départ, celui d’un dibouk supposé, mais saignant bel et bien lorsqu’il et transpercé d’un coup de couteau.
La physique quantique a apporté une révolution conceptuelle remettant en cause le principe du déterminisme qui supposait que chaque événement est déterminé par un principe de causalité. Pour la physique quantique, « Dieu joue aux dés… ». En fait il y aurait plusieurs niveaux de réalité, celle de l’infiniment petit obéissant à des règles différentes de celles de la physique normale.
Erwin Schrödinger est un physicien autrichien (1887 – 1961) anti nazie, il reçoit le prix Nobel de physique en 1933. Il est l’auteur de l’équation de Schrödinger portant sur des problèmes de physique quantique.
Erwin Schrödinger a imaginé une expérience dans laquelle un chat est enfermé dans une boîte fermée avec un dispositif qui tue l’animal dès qu’il détecte la désintégration d’un atome d’un corps radioactif ; par exemple : un détecteur de radioactivité type Geiger, relié à un interrupteur provoquant la chute d’un marteau cassant une fiole de poison.
Si les probabilités indiquent qu’une désintégration a une chance sur deux d’avoir eu lieu au bout d’une minute, la mécanique quantique indique que, tant que l’observation n’est pas faite, l’atome est simultanément dans deux états (intact/désintégré). Or le mécanisme imaginé par Erwin Schrödinger lie l’état du chat (mort ou vivant) à l’état des particules radioactives, de sorte que le chat serait simultanément dans deux états (l’état mort et l’état vivant), jusqu’à ce que l’ouverture de la boîte (l’observation) déclenche le choix entre les deux états. Du coup, on ne peut absolument pas dire si le chat est mort ou non au bout d’une minute.
La difficulté principale tient donc dans le fait que si l’on est généralement prêt à accepter ce genre de situation pour une particule, l’esprit refuse d’accepter une situation qui semble aussi peu naturelle appliquée à un sujet familier et banal comme un chat.
Il faut préciser que cette expérience n’a jamais été réalisée et qu’elle est en fait irréalisable.
Le but du « chat de Schrödinger » est surtout de marquer les esprits : si la théorie quantique autorise à un chat d’être à la fois mort et vivant, c’est ou bien qu’elle est erronée, ou bien qu’il va falloir reconsidérer tous les préjugés.
L’affirmation « Le chat est mort et vivant » est effectivement déroutante on peut préférer dire que le chat est dans un état où les catégorisations habituelles (ici la vie ou la mort) perdent leur sens.
Un certain nombre de théoriciens quantiques affirment que l’état de superposition ne peut être maintenu qu’en l’absence d’interactions avec l’environnement qui « déclenche » le choix entre les deux états (mort ou vivant). C’est la théorie de la décohérence. La rupture n’est pas provoquée par une action « consciente », que nous interprétons comme une « mesure », mais par des interactions physiques avec l’environnement, de sorte que la cohérence est rompue d’autant plus vite qu’il y a plus d’interactions.

À l’échelle macroscopique, celui des milliards de milliards de particules, la rupture se produit donc pratiquement instantanément. Autrement dit, l’état de superposition ne peut être maintenu que pour des objets de très petite taille (quelques particules). La décohérence se produit indépendamment de la présence d’un observateur, ou même d’une mesure. Il n’y a donc pas de paradoxe : le chat se situe dans un état déterminé bien avant que la boîte ne soit ouverte.
La théorie des univers parallèles introduite par Hugh Everett stipule que la fonction d’onde décrit la réalité, et toute la réalité. Cette approche permet de décrire séparément les deux états simultanés et leur donne une double réalité qui semblait avoir disparu, dissoute dans le paradoxe (plus exactement deux réalités dans deux univers complètement parallèles – et sans doute incapables de communiquer l’un avec l’autre une fois totalement séparés).

Cette théorie ne se prononce pas sur la question de savoir s’il y a duplication de la réalité (many-worlds) ou duplication au contraire des observateurs de cette même réalité (many-minds), puisqu’elles ne présentent pas de différence fonctionnelle. Dans tous les cas, l’expérience de pensée du « chat de Schrödinger » et le paradoxe qui lui est associé ont aujourd’hui pris valeur de symboles centraux de la physique quantique.
Ce chat mort-vivant peut apparaître comme une expérience de pensée folle, mais c’est une bonne introduction à la complexité de la mécanique quantique. Si l’on ne peut mettre un chat dans deux états incompatibles, on peut en revanche le faire avec des particules simples comme les photons.
Le film des frères Coen, A serious Man, ne donne pas la solution à la question mystique qu’il soulève. Le personnage principal reste un homme sérieux qui cherche à comprendre la réalité telle qu’elle est à l’aide d’instruments mathématiques fiables.

En même temps, sa réalité familiale lui échappe totalement. Il ne parvient absolument pas à maîtriser ce qui lui arrive, ni à en comprendre le sens. Il voudrait une réponse que personne n’est capable de lui apporter, ni sa propre science, la physique quantique, ni son entourage, ni les différents rabbins vers lesquels il se tourne.
Le personnage du vieux rabbin Marschak, le penseur kabbaliste qui ne quitte plus la cave de la synagogue, n’a qu’un seul message à donner sur le sens de la vie : « sois un bon garçon » prenant à son compte les paroles du groupe rock Jefferson Airplane qu’il a écouté attentivement.
Le film se termine sur l’annonce d’une mauvaise nouvelle qui tombe comme une sorte de punition divine d’une terrible sévérité pour avoir accepté de truquer les notes d’un élève, donc d’introduire de l’indéterminisme dans un système scolaire déterminé par les résultats réels de l’élève.
A l’horizon se lève une tempête menaçante, susceptible d’arracher le drapeau américain, représentant des valeurs de l’Amérique bien pensante, religieuse, terriblement conventionnelle. Cette tempête rappelle la présence divine dans le désert du Sinaï d’après le récit biblique. Loin d’être rassurante, elle est terriblement menaçante et susceptible de tout balayer sur son passage.
Les frères Coen signent ici un film difficile à comprendre mais qui illustre parfaitement toute la problématique religieuse et toute la difficulté de la condition humaine plongée dans un indéterminisme et un non sens le plus total.
En dehors, du questionnement mystique qu’il soulève, ce film présente une satire hilarante du judaïsme américain (ici celui de leur lieu de naissance, le Middle West) et une incisive critique sociale qui traverse toute l’œuvre cinématographique des deux frères dont le génie n’est plus à démontrer.

Yeshaya Dalsace pour le site massorti.com
(Je tiens à remercier mon ami Gérard Touati pour m’avoir expliqué le principe du chat de Schrödinger.)

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