Au revers de l’enfance, enfance, à l’endroit, enfance, sur la tranche, le dos, enfance, dans l’espace nu, vide, sourd, enfance, c’est toujours l’enfance, matelas sur lequel on se retourne depuis qu’on se retourne. Enfance, unique filet où la langue se prend sans craindre d’épuiser la ressource halieutique, enfance poisson libérant l’or, enfance respiration de branchie, enfance bulles d’avant l’agonie, enfance encre enfance tombe. L’enjeu se tient sur le seuil, toujours pareil, le non comestible après ingestion, ingérée, ingérable, ailleurs que là-bas, ailleurs qu’ici, enfance tête de sac. Même chose même espace, question idiote réponse idiote, asphyxie fallait pas, asphyxie parfois ça dure, asphyxie rocambole, asphyxie belphegor, chère cage thoracique tu contiens tous les oiseaux et tu ne dis rien, parle et nous t’entendrons : plus tard plus tard répond-t-elle et je l’entends maintenant seulement parfaitement à l’heure de l’enfance berlinoise lue d’un trait. Pas une chose que l’enfance, non pas chose pour un radis, pas origami donné tout plié. Penché dessus, chantonnant doucement « je viens te dire que je m’en vais », ne pas se faire peur, va tout s’en va, tant qu’on chantonne, rien, nada, mailles des choses en elle, les apparaissantes, intermittentes du spectacle, allantes depuis ces choses soufflées à l’oreille par « rossignols », depuis cela, depuis ce temps pas passé, je redis : temps pas aimable et ratiocinant longuet, fous le camp !
Jean-Patrice Courtois, Les jungles plates, Nous, 2010, p. 207.
Jean-Patrice Courtois dans Poezibao :
bio-bibliographie, ex. 1, Les Jungles plates (par A. Emaz)
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