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Il viendra ce jour où je ne serai plus qu'un lointain souvenir. Je m'effacerai comme on gomme un trait sur une feuille de papier. Je ne serai plus qu'une silhouette diffuse dans la brume matinale, une ombre qui se désagrège, portée aux quatre vents sous l'aurore insolente gantée de rose.
Ce sera dur au début. Tu penseras à moi. En t'éveillant le matin, tu auras le regard perdu dans le brouillard. Tu croiras m'apercevoir mais, il ne s'agira que d'une pâle illusion créée par ton esprit. Tu marcheras à l'orée des forêts sombres, épiée par les vieux arbres mourants. Tu erreras, seule, égarée dans d'obscures pensées. Tu n'auras pour seule compagne que l'accolade glacée d'une solitude qui transpercera ton coeur de part en part.
Puis, les années passeront. Tu t'endurciras, tu redresseras ce corps accablé par le désespoir. Tu commenceras à lever les yeux vers ce ciel que tu trouvais si bas, si triste, si gris. Ce ciel où, entre deux nuages, mon visage fantomatique t'apparaissait, vestige d'un passé qui se referme comme on referme un livre.
Alors, tu m'oublieras. Tu t'éloigneras des rives sauvages. Tes longues errances crépusculaires cèderont la place à une aube nouvelle qui sera pour toi le commencement d'une autre vie. Tu regarderas enfin le soleil levant enflammer majestueusement l'horizon. Tu ne penseras plus à moi. Je serai loin.
Ainsi s'en vont ceux que nous avons tant aimé.
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