C'est à la Comédie des Champs Elysées que nous est proposée l'ultime pièce de Jean Anouilh, "Le Nombril", dans l'ultime mise en scène de Michel Fagadau, malheureusement disparu peu après la première. Une comédie douce amère réussie, fine et drôle, teintée de poésie, étonnamment moderne (sa création date de 1981).
Comme son titre nous l'indique, le thème de cette oeuvre est bien la faculté que tout un chacun possède assez naturellement de ne penser qu'à sa petite personne. L'auteur le premier ! En effet, dans une mise en abyme de lui-même prenant la forme de deux personnages, un auteur dramatique populaire et un essayiste intello incompris qui ne vend pas, Anouilh s'interroge non sans humour et autodérision sur son art, le théâtre, sur son métier, celui d'écrivain, et sur son existence. Transparait ainsi clairement son désir de s'adresser au plus grand nombre sans délaisser une certaine exigence, qu'elle concerne le fond ou la forme.
Ici, le personnage principal, dramaturge donc et par ailleurs gravement malade, voit défiler à son domicile (avant qu'il ne soit trop tard...), l'ensemble de ses proches, tous venus dans l'unique but de lui "taper" quelques milliers de francs ou lui demander un service aux conséquences parfois... conséquentes ! . L'une de ses filles lui ordonne, par exemple, d'annoncer à son mari qu'elle le quitte.
Chacun presse donc l'auteur, traité d'égoiste lorsqu'il refuse de donner suite à ces nombreuses demandes, dans une succession de scènes savoureuses nous faisant parfois rire aux éclats.
Pour incarner ce héros "anouilhien" (pas très joli, désolé...) deux heures vingt durant, Il fallait le talent, la technique et la subtilité de Francis Perrin , à la force comique irrésistible mais sachant mettre la pédale douce quand cela s'avère nécessaire, d'une grande sincérité, très à l'écoute de ses partenaires. Il nous avait d'ailleurs démontré sa brillante maîtrise de ce théâtre il y a quelques années en montant le superbe "Ne Réveillez Pas Madame", du même Anouilh.
La distribution qui l'entoure n'est pas en reste. Francine Bergé, en ex épouse acariâtre et vénale est irrestible de drôlerie, méconnaissable sous une improbable perruque blonde. Davy Sardou, non moins hilarant, compose un beau fils un peu bête issu d'une aristocratie déclinante dont la sortie de scène est la seule qui soit applaudie et nous laisse penser que le Molière du jeune talent pourrait bien lui revenir (ce serait en tout cas mérité). Enfin Eric Laugérias, en ami "faux-cul", et Jean-Paul Bordes en médecin "borderline" sont parfaits.
A voir !
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