Muller vivait depuis neuf ans dans le labyrinthe. Maintenant, il le connaissait bien. Il savait ses pièges, ses méandres, ses embranchements trompeurs, ses trappes mortelles. Depuis le temps, il avait fini par se familiariser avec cet édifice de la dimension d'une ville, sinon avec la situation qui l'avait conduit à y chercher refuge. Tous les hommes qui avaient tenté de pénétrer dans le labyrinthe de Lemnos avant Muller étaient morts d'une façon atroce. Tous ceux qui avaient essayé de l'y rejoindre par la suite avaient été massacrés. Aujourd'hui, Ned Rawlins a reçu l'ordre de ramener Muller sur la terre, sa planète natale. Qui, neuf ans auparavant, l'a impitoyablement chassé...
L’homme dans le labyrinthe est le premier roman de Silverberg que je lis. Je n’ai donc pas vraiment
de point de comparaison. Mais je ne regrette pas d’avoir franchi le pas.Ce roman est assez étrange. On ne peut pas dire que l’action en tant que telle l’organise. Ce sont bien les ressentiments des différents personnages et leurs réflexions quasi métaphysiques qui ont un réel intérêt. Or, sur la fin, on a l’impression que Silverberg a voulu boucler un peu vite son intrigue laissant le lecteur sur sa faim. « Tout ça pour ça » en quelque sorte, même si le caractère vain de la mission finale est très cohérent avec l’ensemble.
Muller était un jeune homme en pleine force de l’âge et de sa carrière. Les rêves et l’ambition chevillés au corps, il parcourait les planètes en tant qu’ambassadeur et diplomate. Un jour, le mystérieux Boardman lui propose une mission qui le pique au vif. Muller peut être le premier homme à rencontrer une espèce extra terrestre intelligente. L’enjeu est de taille. Une troisième espèce aux velléités inconnues est découverte. En entrant en contact avec les Hydriens, Muller doit tâcher d’en faire des alliés. Or la communication ne se fait pas. Pire encore, les Hydriens semblent avoir modifié Muller tant et si bien que toute communication avec ses congénères est devenu impossible. Un profond dégout émane de lui. En dépit des efforts de chacun, sa seule présence plonge autrui dans une profonde dépression. Par dépit autant que par colère du rejet dont il est victime, Muller décide de s’exiler sur Lemnos –la planète/labyrinthe. Comme animé d’une vie propre, le labyrinthe est doté de son propre système de défense le préservant de toute incursion ou presque. Malgré cela, il accueille Muller pendant neuf années. Jusqu’au jour où Boardman retrouve sa trace pour une mission nouvelle. C’est le jeune Ned qui sera chargé de vaincre la nouvelle misanthropie de Muller. Manipulé à distance par Boardman, Ned finira par s’opposer à son supérieur. Touché par l’humanité sous-jacente de « L’homme dans le labyrinthe », il ne se rend pas compte des manigances de son supérieur.
L’homme dans le labyrinthe se concentre sur la relation ambigüe entre Ned et Muller. Les informations déformées et la redécouverte de l’humanité autant que son rejet sont des thèmes récurrents. Muller ne se considère plus comme appartenant à la société des Hommes. Or la présence de Ned Rawilins, naïf en apparence et donc inoffensif, le rappelle peu à peu à certains réflexes du vivre ensemble. De plus en plus, Muller attend ses visites. Son rejet et son dégoût de l’espèce humaine, s’ils ne disparaissent pas, semblent puiser davantage dans vexation née du traitement qu’il a subit à son retour de sa première mission. C’est bien parce que ses congénères l’ont rejeté que Muller a fini par s’exiler. En l’ignorant et en lui mettant cette tare sous le nez, ils ont provoqué sa haine des Hommes autant que de lui même.
Robert Silverberg a une écriture efficace. A partir de peu de choses, il parvient autant à créer une ambiance de claustrophobie qu'à suggérer l’Espace et les voyages planétaires. Nous passons de la description fine du labyrinthe fascinant de mystères aux peuples extra-terrestres. La personnalité des personnages est fouillée et complexe. On prend un vrai plaisir à connaitre peu à peu le jeune et torturé Ned, les projets secrets de Boardman, la lutte intérieure de Muller.
Cependant, il fallait bien un prétexte à tout ça. Par conséquent, il fallait aussi qu’à un moment ou un autre, on sache si oui ou non Muller allait sortir du labyrinthe et si oui, pour faire quoi. C’est là que je suis frustré. En à peine 20 pages, Silverberg nous raconte le fin mot de l’histoire. On peut apprécier cette forme de récréation comme si, au finale, les manœuvres machiavéliques des hommes n’avaient servies à rien. Mais j’aurais préféré peut être plus de pages pour vraiment explorer ce processus. Ou peut être simplement un peu moins et rester dans l’expectative. J’aurais préféré imaginer plutôt que la frustration d’une conclusion trop vite amenée. Ceci dit, ce n’est pas un très gros reproche.
Note :
Les Murmures.