Nicolas Hulot a donc annoncé ce matin, depuis la Ville de Sevran en Seine Saint Denis, sa candidature à l'élection présidentielle. On ne sait pas encore quel Nicolas Hulot sera candidat ni s'il arrivera à rester longtemps au dessus de la mêlée : une condition pourtant du succés de sa candidature.
Comment participer au match tout restant au dessus de la mêlée ?
Ce matin, j'ai reçu plusieurs messages me disant "alors tu vois, au final Nicolas Hulot a fini par se lancer". Il est exact que j'avais écrit le 8 mars dernier un édito pour Terra Eco intitulé "2012, pourquoi Nicolas Hulot n'ira pas". A lire juste le titre : la prédiction s'est avérée fausse. A lire le texte : le problème reste entier. Je suis toujours convaincu que la popularité mais aussi l'utilité de Nicolas Hulot sont liées à ce qu'il apparaît aux yeux des français(es) comme étant au dessus de la mélée et qu'il ne pourra le rester longtemps. Car en se déclarant candidat, malgré ses efforts, il lui faudra tôt ou tard abandonner l'une de ces facettes, l'un de ces visages, et la question sera de nouveau posée : quel Nicolas Hulot est candidat ?
D'où mon hypothèse en forme de réponse : "votre" Nicolas Hulot n'ira pas.
Quel Nicolas Hulot est candidat ? Comme pour toute personnalité ultra médiatique, il y a plusieurs Nicolas Hulot. Chacun a un peu "son Nicolas Hulot". Il y a le Nicolas Hulot de droite qui conseille Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, il y a le Nicolas Hulot de gauche qui filme "le Syndrome du Titanic" aux accents décroissants, il y a le Nicolas Hulot du centre qui soutenait hier le Grenelle et appelle aujourd'hui au rassemblement. C'est d'ailleurs ce Nicolas Hulot là qui est "mon" Nicolas Hulot. En se présentant à l'élection présidentielle, organisée sur un scrutin majoritaire à deux tours, Nicolas Hulot va devoir abandonner nombre de ces visages. Or, sa popularité tient justement à ce qu'il avait plusieurs visages.
Rester au dessus de la mélée. Pour conserver intacte sa popularité tout en descendant dans l'arêne, Nicolas Hulot a tenté ce matin, dans sa déclaration de candidature, d'échapper à tous les tiroirs politiques dans lesquels la presse pourrait vouloir le mettre. Il a clairement tenté de rester au dessus de la mêlée
Non, il n'est pas de droite car la majorité actuelle n'agit pas dans le sens de l'intérêt général :
"Soyons clairs: je le dis sans dogmatisme ni agressivité, le projet d'un nouveau modèle de développement est de mon point de vue incompatible avec les politiques que le pouvoir en place et sa majorité développent en France. Ma candidature s'inscrit dans le sens de l'intérêt général. Elle se situe donc à l'opposé des choix qui privilégient inégalités et exacerbation des peurs et qui sacrifient les priorités écologiques et sociales".
Non, il n'est pas de gauche et ne signera pas de chèque en blanc :
"Cela ne vaut pas pour autant blanc-seing pour ceux qui, à gauche ou au centre, se proposent de diriger le pays. Dans mon esprit, il n'y aura aucun soutien automatique à qui que ce soit."
Non, il n'est pas "le" candidat d'Europe Ecologie Les Verts :
"Pour le porter, je sollicite le soutien de l'ensemble des écologistes et notamment de mes amis d'Europe Ecologie-Les Verts, mais aussi plus largement de toutes celles et de tous ceux qui ne se résignent pas au déclin conjoint de l'humanité et de la nature".
Tout est bien entendu dans le "notamment". Nicolas Hulot sollicite "notamment" le soutien d'Europe Ecologie Les Verts.
Fondamentalement, à lire la déclaration de Sevran, Nicolas Hulot développe un discours plutôt centriste pour rassembler au delà de la droite et de la gauche. Cette phrase en est le plus bel exemple :
"Changer de cap, c'est enfin concourir à l'apaisement de la société en rassemblant les énergies plutôt qu'en encourageant les affrontements. Les postures de division chronique sont désormais un luxe indécent face à l'urgence et à la complexité des enjeux. La société est fatiguée des idéologies creuses".
Apaiser la société, dénoncer les idéologies creuses...autant de convictions centristes que Nicolas Hulot aura bien du mal à défendre s'il est finalement rangé dans un seul tiroir.
Nicolas Hulot a donc fait de gros efforts pour rester au dessus de la mélée car il sait que le succès de sa démarche en dépend : cela est-il possible à long terme ? Je ne pense pas. On ne saurait reprocher à son discours de ce matin de n'avoir pas développé tous les détails de son programme. Il sera cependant appelé à le faire. Ses positions sur le nucléaire, la fiscalité, le logement, le pouvoir d'achat, la politique étrangère sont attendues. Il devra en débattre, prendre sa position, défendre sa légitimité sur des sujets autres que strictement écologiques. A compter de cet instant il lui faudra bien prendre part à la mêlée.
Peser sur tous les candidats ou sur un seul candidat ? A titre personnel, je regrette que Nicolas Hulot n'ait pas choisi de peser sur l'élection présidentielle en faisant pression sur tous les candidats. En se déclarant candidat tout en sollicitant le soutien d'Europe Ecologie Les Verts, il ne pourra faire pression que sur le candidat de.. gauche.
Soyons clairs : Nicolas Hulot a été un acteur précieux, intelligent et indispensable du combat pour la protection de l'environnement. Son Pacte écologie a ouvert la voie au Grenelle de l'environnement et a mis l'écologie au coeur du débat public. Grâce à lui l'environnement est devenu un sujet sérieux. Il considère aujourd'hui que seule une candidature à l'élection présidentielle lui permettra de prolonger son engagement.
Au risque de perdre son rôle et son utilité de vigie écologiste.