Gourbi Palace, restaurant, bar, cocktails
48 rue Albert Thomas, 75010 Paris.
Tél. : 01 42 08 45 20. Site Web.
Nouveau concept, ancien nom
Que faire quand on reprend une adresse mais que l’on change de concept et donc de clientèle potentielle? Garder le même nom? En changer? C’est la première option qu’a retenue la nouvelle équipe (depuis fin 2011) qui gère et anime à présent le Gourbi Palace. Du coup, lorsque l’on évoque l’adresse, on est d’abord un peu hésitant : « mais c’est pas nouveau! ils font du couscous pas fracassant pour bobos, non? » et puis on se dit que non, c’est bizarre, ça ne doit pas être ça, ça ne colle pas avec la description plutôt élogieuse brossée par F il y a quelques temps…
Une petite recherche sur internet montre que le Petit Futé n’a pas été mis à jour. Le FigaroScope, qui n’y est plus retourné depuis 2006-2007 y est passé début 2011, et lui décerne un coeur. Mmmm!! fait à peine mieux. L’endroit a visiblement connu des hauts et des bas (liquidation en 2008). C’est déjà plus à jour sur l’Internaute, Télérama (« pas mal », avec une conclusion qui résume bien l’endroit : « Pas le bistrot de l’année, mais une table honorable ; parfait pour une cantine à petits prix« ) et Philippe Toinard. Alain Fusion aime passionnément cet endroit sympathique sans prétentions, que ce soit pour l’assiette ou l’atmosphère.
Déco Récup
La décoration fait volontairement vieux et usé, comme ce mur loin d’être lisse peint en blanc et bleu assez pâle, et relevé d’une frise noire bien nette, style graffiti ++.
Une grande partie des éléments de décoration et de mobilier vivent ici une nouvelle vie. Lampes, enseignes, banquettes, il y a un parti pris rétro bien assumé et plutôt réussi : on se dit que ce rade de quartier est dans son jus depuis un bon moment déjà.
En plus de la salle principale (bar + tables pour manger/boire), une mini salle semi privative et somme toute assez conviviale pour accueillir un petit groupe de copains bobos cools. Et, plus underground, bien qu’au premier étage, une salle de séjour/fumoir/salle de jeu/tripot? plus confidentielle, à la déco tout aussi improbable…
Ajoutons la vieille TV et le plateau de tric-trac aux couleurs douteuses au reste du Gourbi Palace… L’on ne peut pas ne pas se sentir rajeunir et revenir à l’époque de ses années d’étudiant, avec les canapés et tous les éléments sortis de caves ou achetés à une modique somme chez Emmaus. Peut-être que certains sont encore dans cette période ou y restent attachés. Cela crée un cachet et un peu d’esprit aux lieux. Cette accumulation forme un tout finalement assez cohérent, presqu’authentique. C’est bien foutu!
À boire et à manger
Le cadre a donc un certain charme, ce qui est déjà bien, mais le Gourbi Palace n’est ni un musée, ni une brocante, c’est avant tout un bar resto. Dans beaucoup d’adresses boboïdes de ce genre, on a tendance à limiter les dégats en commandant une bière de marque (en bouteille) et à prendre un burger, en révisant sérieusement ses prétentions et exigences à la baisse, parce que les cocktails sont mal dosés, le vin vinaigré et les « plats » préparés par un pauvre sri-lankais ou pakistanais, qui doit se débrouiller pour sortir des salades, des pâtes et autres nourritures qui servent souvent à éponger un peu les boissons.
Dieu merci, même si le Gourbi Palace n’a aucune prétention gastronomique, ce qu’on y mange et boit est très nettement au dessus de la moyenne. On commence par de vrais et bons cocktails (6-7EUR), avec une carte proposant quelques classiques, des classiques revisités et quelques créations plus personnelles. Mon Gourbidisiac, frais, désaltérant, n’est pas trop sucré (malgré le sirop de fraises) et ouvre l’appétit. L’ardoise est concise et efficace : 5 entrées (6-8€), 5 plats (14-21,5€/pers) et trois desserts (7-8€), avec des propositions qui sortent de l’ordinaire, pour ce genre d’endroit, où, je le rappelle, la nourriture sert en général plus à remplir qu’à manger.
Idem pour les vins : même s’il y a un peu trop de Bordeaux à mon goût, on peut sortir un peu des sentiers battus, avec des prix relativement doux.
Dans le cadre de cette soirée découverte, nous commençons par le nougat de chèvre, carpaccio de betteraves et concombre à la japonaise (7€). Deux belles quenelles de fromage de chèvre bien frais, parsemé de fruits secs et confits (et une touche de miel?) qui apportent une légère et amusante touche sucrée. Les fines tranches de grosse betterave apportent une autre touche à peine douce et fraiche. La présentation déroute un peu, mais cela se mange avec plaisir.
Nous nous partagerons un boudin aux pommes de Christian Parra (8€). Ma photo a été prise vers la fin, qui est vite arrivée, preuve du succès rencontré également par cette entrée traditionnelle et servie honorablement.
Un plaisant Irancy 206 de William Charriat (28€) pour accompagner : discret et calme mais pas transparent.
Le plat principal proposé est le quasi de veau au cidre, oignons grelots glacés et pommes darphin (18€). Le pièce de veau est bien cuite, rosée, tendre et de joli gabarit. Pas mal du tout. Les petits oignons, doux à la base, le sont encore plus après glaçage et cidre. Quant aux pommes darphin (aka galette de pommes de terres), c’est encore une présentation rare au restaurant (on rencontre plus souvent la version US : hash brown). Un ensemble cohérent, simple et éprouvé.
Un vin blanc accompagne cette viande blanche, du Menetou-Salon 2008 d’Henri Pellé (34€, coefficient plutôt doux).
Le dessert, une ganache au chocolat et crème tonka (8€), mériterait d’être un peu épuré : la grappe de groseilles n’apporte pas grand chose. Quant à la crème, pourquoi pas, mais j’ai tellement vu de desserts au chocolat avec de la mauvaise crème anglaise, que cette présentation me déplait. Ce n’est qu’en goûtant que je me rappelle qu’il ne faut pas se fier qu’aux apparences. Le vieux rhum (Ron Añejo Papero du Venezuela), proposé par notre hôte s’avère une excellent contrepartie et un bel exhausteur de goût face au chocolat noir. Un résultat bluffant, une belle alchimie. Finalement, ce dessert qui ne plaisait pas beaucoup à mes yeux au départ a ravi mes papilles.
Dernier clin d’œil à cet endroit décidément attachant et jamais à cours de surprises et de petits détails : ce service à café délicieusement désuet!
L’habit ne fait pas le moine
De dehors, et même de l’intérieur, le Gourbi Palace cache bien son jeu. Sa déco retro et son emplacement ont tout du bar resto de quartier attrape bobo-nigaud. Ses propriétaires trentenaires ont eu la bonne idée de dépasser les apparences et de faire nettement mieux. Bien que récent, l’esprit de ce lieu n’est ni artificiel, ni superficiel, il y a un bon esprit qui y règne et l’on se sent rapidement bien. Que ce soient les cocktails, les vins, le service ou l’assiette, on retrouve de bonnes constantes, comme la qualité, des prix corrects et l’envie de bien faire.
Je ne pense pas que j’y retournerai avant cet été, parce que, malgré d’indéniables qualités, ce n’est pas juste à côté de chez moi. Mais à partir de septembre, ce sera à moins de dix minutes de mon nouveau lieu de résidence, et il y aura sans doute plus d’occasions d’y passer un peu de bon temps.
Merci pour l’accueil et la sympathique découverte. Lire aussi les avis de Vanessa, de Miss Gourmandise et de Mr Lung.
Rédigé par chrisos