Magazine Culture

Hyperréalisme

Publié le 15 avril 2011 par Bruno Roch @brunoroch_fr
Né à la fin des années soixante le mouvement Hyperréaliste(Photoréaliste) marque une rupture avec l’Abstraction et le Minimalisme et prône un retour à la figuration qui renvoie à la réalité. L’hyperréalisme n’est pas un mouvement au sens formel. Il n’a pas de manifeste et beaucoup de ses artistes ne se sont jamais rencontrés. Peut-être y a t’il lieu de parler d’une sensibilité commune : une position qui s’établit à partir des relations existant entre l’artiste et son sujet. Ces relations se caractérisent par la distance à la fois affective et, par l’usage de la photographie, réelle, mais également par un engagement total et laborieux de l’artiste soucieux de rendre avec exactitude la forme, la lumière et la couleur.L’hyperréalisme est une tendance relativement unifiée ou chaque peintre traduit quasiment de la même manière le paysage contemporain et plus particulièrement les images d’une société moderne. Ce n’est pas le style qui les différencie mais le thème privilégié par chacun d’eux et la manière dont le sujet est vu. Rejetant la subjectivité affective propre à la peinture réaliste traditionnelle et académique, le peintre hyperréaliste ne dit pas au spectateur comment il doit ressentir le sujet, il affirme tout simplement qu’il existe et qu’il vaut la peine d’être regardé parce qu’il existe. Au-delà d’une absence de commentaires directs, il paraît réducteur de ne considérer l’hyperréalisme que comme une représentation mécanique. Cette apparente impersonnalité est en effet démentie par le fait que, ces peintres prenant eux-mêmes les photos à partir desquelles ils travaillent, une considérable latitude leur est laissée en termes de sujet, de disposition, d’éclairage, de composition et de couleurs. De plus certains peintres modifient la photo.Une des caractéristiques majeure de l’hyperréalisme est la représentation fréquente en gros plan et très détaillée d’une partie d’un ensemble (Sharp focus). L’agrandissement démesuré d’un sujet est une autre forme d’abstraction : en séparant celui-ci de la réalité ordinaire il lui confère une nouvelle identité ( Gigantic scale). Les peintures font alors surgir des formes abstraites ou des constructions imaginaires qui révèlent quelque chose de l’ordre caché de l’environnement quotidien. Les peintres s’attachent ainsi à faire apparaître diverses formes tirées des profondeurs de l’image et l’on est frappé par l’impression que corrélativement, les objets, les scènes familières deviennent des « miniatures du monde ».Le situationniste Guy Debord décrivit dans les années 60 comment la vie en collectivité fondée sur le commerce moderne constituait une « société du spectacle », une réalité irréelle où les images régissent les relations sociales. Lyotard et le sociologue Jean Baudrillard devaient également tenir compte de la notion de spectacle dans leurs écrits. Ces deux théoriciens du post-modernisme voient dans la culture du capitalisme américain une façon de surmonter ou de supplanter la réalité, et un passage vers le simulacre, une région de désir illimité. Toute représentation de la réalité est un simulacre. C’est pourquoi la réalité reproduite est une fiction. Lorsqu’un peintre projette une photo sur une toile et peint ensuite d’après la photo projetée, il ne traduit en fin de compte que la fiction de la réalité qu’il a vécue, qu’il a pensée et qu’il a travaillée. Le tableau hyperréaliste devient ainsi la réalité de cette fiction puisqu’il traduit sans ambiguïté tout le processus de saisie de cette réalité, et ce depuis sa perception jusqu’à sa restitution matérialisée.Deux circuits se croisent constamment, celui de la photo et celui des sujets représentés. Car la photographie joue le rôle d’intercepteur. Elle tend un piège dans lequel la réalité se fige. Ensuite l’objet est réanimé, il retrouve sa respiration initiale, mais l’équation mathématique entre la réalité et la fiction est rompue. Prétendre que la peinture hyperréaliste se contente de reproduire la réalité est un contresens puisque l’image relègue bien souvent la réalité au second plan. La profusion d’images véhiculées par la vidéo, le cinéma ou la photographie a changé notre manière de voir et les hyperréalistes enregistrent ces changements. Aujourd’hui les images diffusées par les médias sont aussi importantes que les phénomènes réels. Elles modifient notre perception des phénomènes réels et contribuent à hiérarchiser leurs valeurs. La photographie est ainsi au cœur du processus. Toute la peinture hyperréaliste a ainsi affaire avec une réalité de seconde main, une réalité remaniée, remaniée d’abord par la photographie et ensuite par la reproduction sur la toile. Le peintre hyperréaliste se sert de la photographie souvent tout à fait consciemment pour rompre avec les habitudes de la représentation picturale classique. John Salt fait ainsi remarquer que les photographies « permettaient de se débarrasser plus facilement de l’influence des autres peintres ». L’idée que la photographie contribue à libérer l’artiste des anciennes formes de réalisme a été reprise par Tom Blackwell : « l’objectif déforme en fonction des conventions classiques de la perspective ou des besoins de la représentation picturale ». Les hyperréalistes se servent donc de la photographie pour établir une distance entre eux et le sujet. La photographie fait passer l’image d’un plan à trois dimensions à un plan à deux dimensions d’une manière qui exclut les choix de l’artiste, choix qui pourraient être fondés sur des préférences affectives ou psychologiques. Néanmoins la photographie n’est pas considérée comme un simple outil par tous les artistes. Bien qu’ils l’utilisent pour se distancier du sujet et se libérer des conventions esthétiques du passé, la photographie constitue pour eux une nouvelle manière d’appréhender les sujets. Les mêmes peintures ne pourraient pas être peintes sans photographies et la visualisation photographique fait partie de l’idée de la peinture.
Source ICI

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Bruno Roch 225 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines