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Le mythe de l’authentique.

Publié le 15 avril 2011 par Www.streetblogger.fr

Le mythe de l’authentique.

Qu’est ce qu’être authentique dans le rap ? Beaucoup d’artistes, américains ou autres, se targuent d’être authentiques. On entend souvent I’m Real, keepin it real etc.

Au fond qu’est ce que ça veut dire. Si être authentique signifie ne pas donner dans le commercial, alors qu’est ce que le commercial ?

On dira que n’est pas commercial ce qui est underground, je ne suis pas sûr que ce soit aussi simple. D’abord je ne connais personne qui travaille dans sa cave, ou ailleurs, avec acharnement, pour faire des instrus de malade ou avoir un flow de dingue, et qui veuille y rester confiné. Ensuite ce n’est pas parce qu’une musique est largement radiodiffusée qu’elle est forcément à jeter.

Si ce qui est underground devient connu, à cause de la qualité du son, de l’interprète ou des textes, et, éventuellement de ces trois éléments en même temps, pourquoi devrait-on déplorer le succès et forcément la commercialisation. On pourrait objecter que le succès n’est pas synonyme de commercialisation ou ne se mesure pas en nombres de disques vendus et de passages dans les médias divers, auquel cas on peut effectivement rester dans sa cave et faire de la musique pour soi et/ou pour ses proches.

En même temps il est vrai que la course à la starisation pose problème parce que tout le monde en prend le départ sans forcément avoir le viatique nécessaire (le talent) pour franchir la ligne d’arrivée.

Mais supposons ici que tous ceux qui sont montés sur le podium l’ont fait parce qu’ils ont prouvé leurs aptitudes (c’est très naïf d’imaginer un monde sans marketing, business, et toutes les embrouilles, arnaques et astuces que ces deux termes requièrent, mais bon on peut rêver), pourquoi alors auraient ils besoin de recourir à une rhétorique d’authenticité ?

Il n’y aurait alors que deux réponses probables : parce qu’ils veulent plaire à un public dont ils sont détachés, par exemple je vis comme un nabab dans une villa luxueuse loin des jeunes de la rue qui achètent mes albums où je prétends être un gangster. Parce qu’ils savent qu’ils mentent sur leur identité, par exemple je viens d’un milieu aisé, de classe moyenne supérieure, et je prétends dans mes textes que je me suis élevé dans la vie grâce à ma détermination, là d’où je viens dieu n’a pas mis les pieds (dixit un groupe français).

En gros se prétendre authentique est suspect voire louche, quand ce n’est pas un argument marketing imposé par la maison de disques, comme l’a analysé le sociologue Morgan Jouvenet.

C’est dans un cas ou un autre un vaste mensonge qui recouvre une réalité que l’on veut taire. Le fait de faire de l’argent tout à fait légalement, en vendant des disques, en appelant à l’illégalité, ou le fait de vendre des fables qui se développent dans les têtes de jeunes un peu fragiles et contribuent à leur faire croire que la vraie vie ne se mène que sur les chemins de la criminalité. Pour le gangsta rap Biggie et Tupac en donnent deux parfaits exemples.

Il suffit de regarder pour Biggie le documentaire de Nick Bloomfield notamment l’interview de sa mère qui dit que son fils racontait des fables parce qu’il n’a jamais été un voyou, d’ailleurs on voit ensuite son ancien patron gérant de l’épicerie du coin qui va dans son sens en disant que Christopher Wallace n’a jamais rien livré d’autres que des courses (et pas des kilos de coke ou de crack).

Cependant le mythe de l’authenticité paye puisque dans le film sur sa vie, Notorious B.I.G, on voit un Christopher Wallace qui quitte très tôt l’école pour commencer à traîner dans la rue et y vendre du crack. Et surprise le film est produit par Vonetta Wallace, la même maman qui affirmait quelques années plus tôt avoir toujours gardé son fils loin de la rue et des problèmes qu’elle pouvait apporter à ceux qui y traînent.

Le cas de Tupac est plus complexe, parce qu’il s’est fait tirer dessus et qu’il jouait au voyou, comme durant sa dernière nuit où les images de surveillance du casino où il était avec son crew le montre en train de tabasser un membre d’une autre bande. Après la fusillade qui a failli lui coûter la vie, il se montre dans le clip de Two of Amerika’s most wanted feat Snoop Dogg, en parrain vengeur devant un Diddy et un Biggie qui n’en mènent pas large. Mais tout cela, au fond demeure de la fiction, relève de l’image, du rôle de gangster dans lequel le rappeur s’inscrit. Peut être que Suge Knight, son dernier producteur, est vraiment un gangster, mais les rappeurs de son ancien label étaient, à mon avis, plus des comédiens que des hors-la-loi.

Si l’on en croit un vieil adage, le crime ne paie pas, mais l’apparence du crime elle en revanche peut rapporter des sommes astronomiques.

Le mythe de l’authentique.

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