On pensait en avoir fini avec la saga Scream il y a plus de dix ans, avec un troisième volet qui marquait un très net essoufflement de la franchise. Mais voilà que Wes Craven remet le couvert pour un quatrième opus, toujours avec Neve Campbell, David Arquette et Courtney Cox en vedette.
La raison est sans doute plus économique qu’artistique, les carrières du réalisateur et de ses trois comédiens étant au point mort depuis quelques années, mais l’argument avancé pour justifier cette suite est que les règles d’or du cinéma horrifique ont changé depuis la trilogie Scream et qu’il y avait matière à s’amuser de ces mutations subies par le genre.
Le début du film donne le “la”, avec non pas une, mais plusieurs scènes introductives gigognes, du genre film dans le film dans le film.
Dans ces petites séquences, les personnages – des blondes à forte poitrine – se font évidemment massacrer par un tueur portant un masque de “Ghostface” après avoir reçu un appel téléphonique menaçant. Mais elles trouvent quand même le temps de disserter des dérives du film d’horreur contemporain – les “torture flick” dérivés de Saw – et de l’absurdité de ces franchises horrifiques qui s’affadissent d’épisode en épisode, comme “Stab” - la série de films initialement inspirée des évènements de Woodsboro et du drame vécu par Sidney Prescott, au coeur de Scream 2 et de Scream 3…
Sans parler des remakes, évidemment, qui tentent de compenser leurs faiblesses par davantage de sauvagerie et des effets gore à outrance…
D’ailleurs, Scream 4 est entièrement construit autour de cette idée de remake :
Plusieurs années après les meurtres sanglants auxquels elle a été confrontés, Sidney Prescott (Neve Campbell) a réussi à surmonter son traumatisme et revient à Woodsboro pour faire la promotion de son livre, un guide de développement personnel. Pour faire un coup de pub, son attachée de presse a fait coïncider cette venue avec la date anniversaire du massacre originel et avec le “Stabathon”, un marathon cinématographique où sont diffusés à la suite les sept films de la saga “Stab”…
A peine Sidney est-elle de retour en ville que l’on signale la découverte de deux cadavres. Deux adolescentes poignardées à mort selon une mise en scène macabre qui rappelle celle employée pour tuer Casey Becker, quinze ans auparavant…
Pas de doute, Sidney est une nouvelle fois menacée par un (des?) psychopathe(s?) qui rêvent de la trucider à l’arme blanche et elle va devoir de nouveau sauver sa peau au cours d’une longue nuit d’horreur, qui rappelle par bien des points sa première confrontation avec “Ghostface”… Et comme rien n’a changé, le shérif Dewey (David Arquette) et la journaliste Gale Weathers (Courteney Cox) tentent activement de démasquer l’assassin…
Mais cette fois, “remake” oblige, le trio est relégué au second plan, au profit d’un groupe de teenagers comprenant la cousine de Sidney, Jill (Emma Roberts), et ses amis (Marielle Jaffe, Hayden Panettiere, Rory Culkin, Erik Knudsen, Nico Tortorella), qui, eux aussi, discutent en long, en large et en travers des codes du film d’horreur et des nouvelles règles d’or du slasher…
L’intérêt de la série des Scream a toujours résidé dans cette façon de décortiquer toutes les vieilles ficelles du genre, d’énoncer tous les principes scénaristiques de base du film d’horreur avant de les appliquer à la lettre, sans perdre une miette d’efficacité…
Ce qui plaît, c’est que si les scénarios utilisent résolument le second degré, ces films sont de véritables thrillers, capables de faire lentement monter la tension, dotés de scènes flippantes et de rebondissements malins. Les auteurs, Kevin Williamson, Ehren Kruger et Wes Craven, ne se vautrent pas dans la parodie vulgaire et facile (comme Scary Movie qui parodiait d’ailleurs surtout Scream). Ils rendent plutôt hommage à un genre certes mineur, le slasher, mais qui a quand même donné des oeuvres cinématographiquement très valables, comme le Halloween de John Carpenter, les gialli de Mario Bava et Dario Argento ou le Psychose d’Alfred Hitchcock.
Sir Alfred a d’ailleurs droit à des clins d’oeil plus ou moins appuyés dans ce quatrième opus de la saga Scream : un shérif adjoint a pour nom Anthony Perkins, comme l’acteur qui incarna Norman Bates dans Psychose ;une scène inévitable scène de douche rend hommage à ce même film ; une des héroïnes a pour prénom Marnie et, vu ce qu’il advient d’elle, il n’y aura effectivement Pas de printemps pour Marnie…
Mais le maître britannique n’est pas le seul à être cité dans ce quatrième volet truffé de références. Craven y cite, pèle-mêle, des films qu’il aime bien, comme Le Voyeur de Michael Powell, la série Massacre à la tronçonneuse – l’originale, de Tobe Hooper ; les films des copains, dont le Vendredi 13 de Sean Cunningham, ou les grindhouseries de Robert Rodriguez (la jolie adjointe de Riley est incarnée par Marley Shelton, un des rôles principaux de Planète Terror et le nom du cinéaste est crédité au générique de “Stab 2”…); tous les “nouveaux” films d’horreur, de Saw à Destination finale, en passant par The ring… Et ses propres oeuvres, des Griffes de la nuit à … Scream!
Les connaisseurs pourront donc s’amuser à compter les références ou sursauter dans leur fauteuil à chacun des coups de poignard donnés par Ghostface… Car les recettes ont beau être les mêmes depuis des lustres, les mécanismes de terreur fonctionnent parfaitement. Craven sait où placer sa caméra pour faire monter la tension, exploitant au mieux l’espace dont il dispose. Dans ces pavillons de banlieue aux grandes baies vitrées et aux entrées multiples, la la menace peut venir de n’importe où… Et si les meurtres ne sont aussi “inventifs” que les pièges absurdement alambiqués de Jigsaw, leur exécution brutale fait chaque fois son petit effet…
Bref, Scream 4 s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs. A la fois sur le fond – la mise en abîme, la réflexion sur la violence au cinéma, sur le besoin de sensations fortes du public… – et sur la forme – un pur slasher à la fois drôle et plein de suspense. On devrait donc logiquement être de nouveau conquis, et saluer le travail de Wes Craven et de son équipe.
Pourtant, le film laisse un sentiment très mitigé…
A force d’exploiter le même filon, le cinéaste finit quand même par se répéter et par lasser son public. D’autant que ce quatrième volet, non content de n’être en aucune façon innovant, s’avère même un cran en dessous des autres films de la série, y compris du troisième, pourtant loin d’être un chef d’oeuvre… La faute, essentiellement, à un script pas très crédible, écrit et réécrit au fur et à mesure du tournage, qui perd en cohérence ce qu’il gagne en effet de surprise, via quelques coups de théâtre appréciables (quoique prévisibles, pour les vieux briscards cinéphiles…).
La faute, également, à des comédiens pas toujours très à l’aise avec des rôles un peu trop stéréotypés pour convaincre, même au second degré.
Scream 4 n’est finalement rien d’autre qu’une suite/remake assez banale, qui ne fait que recycler – en moins bien – les idées des premiers opus de la série, dans l’espoir de relancer les carrières de ses acteurs et de son réalisateur.
Maintenant, Wes Craven est bien capable d’avoir voulu saborder lui-même son oeuvre avant que quelqu’un d’autre ne le fasse, en démontrant par l’exemple, avec son propre film, qu’il n’est pas bon de faire durer trop longtemps une saga à succès, et que les remakes ne parviennent jamais à surpasser les originaux (Aja et Iliadis, auteur des remakes de La Colline a des yeux et de Dernière maison sur la gauche apprécieront…).
Si tel est le cas, chapeau bas, c’est culotté… Mais dans le cas contraire, on espère que Craven renoncera aux éventuels Scream 5 et 6, pour lesquels il a signé en cas de succès de ce quatrième épisodes, sous peine de salir définitivement une saga qui semble désormais à bout de souffle. Comme ses acteurs principaux, d’ailleurs, qui ont pris un petit coup de vieux et feraient mieux de tourner la page…
”Quel est ton film d’horreur préféré?” s’entête à demander le tueur à ses victimes.
Pour nous, ce n’est pas Scream 4. C’est clair…
Oh bien sûr, cela reste un divertissement honorable au regard de ce qui se fait en matière de film d’horreur de nos jours. C’est très supérieur aux innombrables et innommables suites de Saw ou aux pitoyables documenteurs comme Paranormal activity, mais c’est un peu décevant de la part d’un “maître de l’horreur” qui nous a habitué à plus d’audace et d’innovation…
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Scream 4
Scre4m
Réalisateur : Wes Craven
Avec : Neve Campbell, David Arquette, Courteney Cox, Emma Roberts, Hayden Pannetiere
Origine : Etats-Unis
Genre : film dans le film dans l’auto-remake
Durée : 1h50
Date de sortie France : 13/04/2011
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Chronicart
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