Quality Time Avec Ma Ballerine

En 1988 j'étais amoureux d'une ballerine. Très amoureux d'une ballerine.
J'avais manqué un cours en après-midi du secondaire en m'improvisant régisseur du spectacle de ma conquête amoureuse (C'était en fait plutôt elle qui m'avait conquis). Accompagnée de trois complices, elle avait monté un spectacle de ballet sur une musique de Suzanne Vega pour les écoles primaires. Mon travail de "régisseur" consistait en fait à leur faire un lift, transporter les décors en carton, embrasser la jolie ballerine et à m'écraser au fond de la salle pour les regarder faire leurs pas de deux.
Après qu'elle eût choisi de quitter la gymnastique, quand il a fallu trouver une activité pour occuper notre Punkee, son intérêt s'est placé sur la danse.
Ce ne fût pas de tout repos de l'inscrire car nous ne nous entendions pas sur la nature de la danse. La nounoune du comptoir me martelait "Hip Hop ou ballet classique?" .Je lui disait "ben...Katy Perry, Black Eyed Peas, Les Trois Accords, So You Think You Can Dance, ça rentre dans quoi?...". Après avoir gossé pendant vingt minutes sur ce qui est hip hop et ce qui  ne l'est pas, après avoir senti un réèl découragement de la part de la nounoune du comptoir quand elle a vu que nous snobions le ballet classique, elle me lance: "Elle a 7 ans, ils font les deux dans les cours de tout façon, l'an prochain seulement déciderez vous de ce qu'elle fera"
DUH!
Pourquoi me l'avoir demandé?
C'est une giga-fortune que ce cours de danse nous as coûté. Presque 400 dollars. Pour une heure chaque vendredi. Et les parents sont gentiment tenu hors des classes. On ne voit rien de leurs prouesses. On entend tout juste leur musique en sourdine. Un peu plus ces temps-ci si on va dehors car ils ouvrent les fenêtres et on entend mieux. Mais on ne voit rien.
Fair enough. Quand elles prendront part au spectacle de Don Juan en juin, notre surprise et notre admiration ne sera que plus grande. Plus qu'en janvier dernier j'espère en tout cas. Les parents étaient invités à assister à une répétition et bout de cigare que c'était cheap...Oui elle n'a que 7 ans mais je m'attendais à plus que quelques cabrioles. On paie quand même une fortune et elles sont pas une, ni deux, ni trois, ni QUATRE mais bien CINQ jeunes filles pour enseigner à une douzaine de ballerines. Cette rencontre avait été rendue d'autant plus désagréable que nous étions tenus d'assister en pieds de bas et qu'en janvier, mes bas, ils sont très mouillés, par le fait même, ce jour-là, plutôt malodorants.
Même si on nous tient à l'écart, même si la nounoune des costumes a insisté pour nous donner une jupette de 11 ans à ma fille de 7 qui a la taille d'une enfant de 5, même si on paie franchement trop cher pour bien peu, même si ceci n'inclut pas le prix du billet du spectacle (qui sera à 30$/personne) ni le prix du costume du spectacle (qui sera aussi à 30$) et que le soir du spectacle nous n'aurons pas le droit de prendre des photos (Dvd vendu à 50$), j'apprécie (étonnament, je sais) ce moment de ma semaine.

Même les premières 50 minutes où, de 15h30 à 16h20 nous affrontons le pire traffic au monde. Nous empruntons la 15 au Nord en direction de Boisbriand au rythme de 2 Km/h. Ce moment nous donne la chance de commencer les devoirs de la semaine prochaine. Après la chronique musicale d'Alain Brunet à la radio, elle me fait ses lectures de la semaine. Avec le bruit du traffic, elle est forcée d'articuler et de porter sa voix bien forte pour que je comprenne. Si nous partons plus tard que 15h30 ce jour-là nous arrivons en retard. Comme nous sommes un bon 40 minutes plus tôt que le cours, nous enchaînons les devoirs de la semaine à venir et bien vite il ne nous reste pratiquement que de la révision.
J'apprécie ce moment avec ma fille que je classe facilement dans le "quality time". Quand son cours commence, comme il n'y a rien à voir ni à entendre, je m'isole dans un coin et plonge dans un livre. C'est toujours une jeune fille rayonnante que je retrouve 60 minutes plus tard. On écoute les morceaux qu'elle m'a dit avoir dansé sur le chemin du retour.

Je dois aussi avouer que 20 minutes avant la fin de son cours, paradent une bonne vingtaine de danseuses qui ont tout juste vingt/vingt-cing ans pour un cours de 18h00 à 19h00. Ce sont les grandes qui feront principalement le spectacle de Don Juan dans lequel sera inclus un moment où les petites font un petit bout.
Sur 20, chez les grandes, il doit bien y en avoir une douzaine dont les courbes sont tout simplement hallucinantes. C'est à cette heure que je relis toujours le même paragraphe.
Hého! je vous verrais vous! On est pas fait en bois! Femmes, si des gymnastes masculins passaient en bedaine devant vous n'auriez vous pas des problèmes de concentration? Ben voilà! ces dames passent devant vous, toutes en cuisses, en collant ou en maillot moulant. Même en hiver où elles enfilent un manteau de saison, des bottes et sont simplement en tenue de ballerine en dessous. Désolé, ça excite son homme de voir ses femmes qui donnent l'impression de se promener en sous-vêtements.
Depuis vendredi dernier, j'ai un cours intensif d'été de 16h30 à 21h30. C'est l'amoureuse qui se tape la routine. Je ne vois ni mon fils, ni mon amoureuse, ni ma ballerine avant 22h00 en soirée après les avoir embrassés vers 7h20 le matin.
Ça m'a manqué ce quality time avec ma petite ballerine chérie.
Je suis amoureux de ma ballerine. Très amoureux de ma ballerine.