Magazine Afrique

Lire sur la place tian an men

Par Abarguillet

LIRE SUR LA PLACE TIAN AN MEN

Lire sur la place Tian an Men

Dégringolant les marches du gigantesque escalier qui descend du toit du monde, nous arrivons dans l’immense « Empire du milieu », comme le pensent les Chinois, pour partir à la rencontre d’une littérature vivante et foisonnante qui reprend vie après une longue hibernation sous le joug de Mao et de ses sbires. Pour cette première étape en terre chinoise, nous prendrons la bicyclette pour suivre Xu Xing dans son périple qui devrait nous conduire auprès de trois grands piliers de la littérature moderne chinoise : Gao Xinjiang, le Prix Nobel de littérature du pays, Mao Dun, longtemps ministre de la culture de Mao qui a laissé son nom à un célèbre littéraire chinois et, enfin, Lao She qui peut-être considéré comme le père de cette littérature moderne qui prend ses racines dans une culture ancestrale particulièrement riche qu’on retrouve encore dans les oeuvres de très nombreux auteurs contemporains.

Le crabe à lunettes

Xu Xing (1956 - ….)

Le « Kerouac chinois » comme le présente, un peu abusivement, son éditeur sur la quatrième de couverture de ce recueil de cinq nouvelles où il déverse son immense désespoir. « Quand, au bout des alcools et des lumières de ce continent, tu te retrouves dans un crépuscule enivrant et que dans ton cœur il n’y a plus que la solitude, tu ne peux plus avancer. Tu croyais qu’il y aurait toujours bien quelque chose, un infini, qui te forcerait à aller plus loin, qui réveillerait un soupçon de soif pour le mystérieux enfoui au fond de ton âme. Mais voilà, à présent, tu sais ce qu’on peut savoir, voilà ce qui reste, pas la peine de te fatiguer, voilà tout ce qui reste et tout ce qui reste est pour toi… »

Xu dépeint la Chine des années quatre-vingt à travers la vie d’un serveur de restaurant qui préfère l’être au paraître, le «road movie» à vélo de deux jeunes Chinois qui mesurent l’étendue de la misère du pays, la promiscuité et le manque d’espace dans les logements, l’internement de ceux qui ne pensent pas comme les autres ou ne peuvent pas vivre comme les autres et le désespoir d’un jeune Chinois condamné à la solitude. Mais, « quelle importance ? Et alors ? »

Si Xu trouve son bonheur sur le chemin comme Kerouac trouvait le sien « Sur la route », ce n’est pas le plaisir du voyage dans l’espace et dans les sensations qu’il éprouve mais le besoin de fuir un quotidien trop sinistre car « en chemin le ciel est toujours bleu, la lumière éclatante du soleil découpe toute chose en contrastes aussi nets que noir et blanc. Quoi qu’il arrive, le soleil se lève toujours. Que la terre soit anéantie, et il se lèvera encore ; que je vienne à mourir, et il se lèvera encore ; je suis tombé malade, et il s’est encore levé. Mon existence est tellement infime et débile, jamais je ne serai capable de me protéger… »

Après la révolution culturelle, après Tian an Men, il n’y a toujours pas de place pour les paumés en Chine et Xu, contrairement à Kerouac qui s’évadait vers les grands horizons, à l’aventure, au son de la trompette de ces vieux bluesmen qui enchantaient l’Amérique de nos rêves et de nos espoirs, ne trouve, lui, pas d’issue à sa vie « comment voudrais-tu qu’un homme tombé là par hasard, un homme aux joues haves chaussé d’une vieille paire de godasses défoncées puisse continuer à vivre ? » dans un monde où la seule musique présente et celle qu’une vieille folle fait sortir de sa platine.

La montagne de l’âme  de Gao Xinjian  ( 1940 - ... )

C'est le genre de livre qu'on est content d'avoir lu mais qui ne passionne pas forcément quand on le lit. Le livre est long et il est difficile de rentrer dans le système narratif de l'auteur. Gao s'y entend à merveille pour nous égarer sur les chemins qu'il arpente pour nous faire découvrir cette Chine si diverse et si profonde. Certains passages m'ont complètement aspiré alors que d'autres m'ont moins intéressé.

Une véritable quête humaine, une recherche des racines de la Chine actuelle à travers les légendes, traditions, chants populaires mais aussi des peuples et des paysages. Une méditation sur le moi à travers un jeu sur les pronoms qui déconcerte un peu : je, toi, moi, il, selon les circonstances. Une odyssée à travers la Chine éternelle pour retrouver la paix intérieure, la liberté et donner un sens à la vie.

Un livre qui valut le Prix Nobel de littérature à son auteur.

Les vers à soie du printemps de Mao Dun  ( 1896 - 1981 )

Mao Dun a été pendant près de quinze ans ministre de la culture de Mao mais il avait été auparavant un compagnon de lutte de Tchang Kaï-Chek avant de fuir au Japon puis de revenir en Chine pour lutter contre le…Japon. Il est un des grands auteurs de la littérature chinoise du XX° siècle et un prix littéraire très important en Chine a été créé à sa mémoire.

Dans ce roman, une famille se lance dans l’agriculture spéculative en misant des fonds importants sur l’élevage des vers à soie mais rien ne va comme prévu, la guerre vient perturber le projet et le père doit vendre sa production à perte pour avoir de nouveaux moyens à investir dans l’aventure pour « se refaire » comme au casino.

Une illustration des déboires qui pourraient bien attendre ceux qui s’aventurent sur la piste de la spéculation. Une morale qui doit bien faire sourire en Chine aujourd’hui.

Le pousse-pousse  de Lao She  ( 1899 - 1966 )

Lao She, que certains présentent comme le père de la littérature moderne en Chine, dresse le portrait d’un pousseur de pousse-pousse qui a quitté sa campagne pour réaliser son rêve en ville : travailler dur pour gagner assez d’argent pour acheter son propre véhicule et pourquoi pas plusieurs pour monter une petite entreprise. Mais, la réalité rattrape bien vite le rêve et le transforme tout aussi vite en un véritable cauchemar.

Un roman bien morose, bien sombre, pessimiste, qui laisse croire que toutes ces petites gens qui gagnent difficilement leurs quelques grains de riz quotidiens, sont condamnés à ce sort jusqu’à la fin de leurs jours. Et, c’était avant le communisme, dans les années vingt et trente, à Pékin

Pour consulter la liste complète des articles de la rubrique LITTERATURE, cliquer  ICI

 

Retour à La Une de Logo Paperblog