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Sucker Punch: La réalité est une prison. Votre esprit est la clé.

Par Ashtraygirl

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Vu le 17/04/11

   

Une critique, parce qu'il le vaut bien...

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(-)

Depuis 300 - et plus encore Watchmen - Zach Snyder fait partie de mes incontournables (bon, okay, j'ai pas vu le truc avec les chouettes), et chaque nouvelle "vision" du réal' est un événement en soi. Du moins, pour moi. Et même si, depuis le lancement de ce projet, et l'annonce, notamment, de Vanessa Hudgens au casting (wtf?), Sucker Punch me laissait plus que dubitative, je ne tenais plus de pouvoir le voir enfin. Quelque peu échaudée par les critiques mi-figue mi-raisin lues ici et là, c'est prudemment que j'ai franchi les portes du cinéma, préparée psychologiquement à ne pas me laisser embarquer par le délire de ces minettes en jupettes courtes. Une prudence qui s'est dissipée dés l'apparition majestueuse - customisée par Snyder of course - du logo de la WB.

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On le sait. Snyder, de par son expérience - plusieurs années de clips vidéos à son actif - sait, sans doute mieux que personne à l'heure actuelle, comment nous plonger dans des séquences parfaitement muettes, dépouillées de dialogues superflus, portées simplement par une bande son qui dépote - et elle dépote, croyez-moi! - et une générosité visuelle impressionnante. Dés les toutes premières secondes du film, on sait que Sucker punch ne va pas déroger à la règle. Le film ne sera pas particulièrement bavard - et heureusement, tant, comparativement à l'image, les répliques sonnent creux - mais va nous en coller plein la rétine. L'intro, à ce sujet, est absolument sublime, exposant avec une concision teintée d'un certain lyrisme la tragique existence de BabyDoll (Emily Browning), blondinette à l'air tourmenté qui en a dans la caboche, comme un magnifique contre-pied à la Alice de Caroll. Sombre, glauque, un rien gothique, le prologue distille le même malaise éprouvé devant l'univers torturé des Watchmen, la même appréhension empathique pour l'héroïne, la même douloureuse anticipation de ce qui l'attend dans ce sordide asile d'aliénées. Et tandis que le lapin blanc suit son irrésistible descente aux enfers dans les méandres de Lennox et que la machination se met en place, nous confirmant par la même occasion sa volonté de théâtralité, la réalité s'effiloche, d'abord indistinctement, puis brutalement, le monde parallèle imaginé par Babydoll occultant totalement Lennox dans sa grise et malsaine tangibilité, pour nous propulser dans un bordel des années 60.

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C'est la seconde "strate" du récit. En vérité, une métaphore de ce qu'est - et ce qui se fait à - Lennox, le réel étant trop insupportable pour que Babydoll ne l'affronte de front, pour que Snyder ne s'y complaise et y fasse éclore le potentiel onirique de son héroïne... et la force qu'elle y puise. C'est dans cette seconde strate que Babydoll engage pour la première fois le dialogue quand, dans la réalité, elle s'est emmurée dans le silence le plus hermétique. Elle entre en contact avec les autres "pensionnaires" de la maison close qui évoque tant un bordel insalubre qu'une troupe à la Chicago. Ici se dessinent les personnalités bien découpées d'Amber (Jamie Chung), Sweet Pea (Abbie Cornish), Blondie (Vanessa Hudgens) et Rocket (Jena Malone). Dans cet univers parallèle, chaque individu présent dans le réel revêt un statut manicchéen - bon ou mauvais - dont l'essence profonde se trouve amplifiée (Blue (Oscar Isaac, perturbant) devient le mac' tyrannique et inflexible, quand Vera (Carla Gugino, superbe) conserve son rôle à portée maternelle, mais cependant aveugle quant aux traitements infligées à ses "filles", réduite à l'impuissance).

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C'est dans ce contexte, aux contours plus francs, plus colorés aussi - les paillettes des costumes indécents étant la poudre que Babydoll se jette aux yeux - que Babydoll atteint la dernière strate: celle de l'inconscient qui ne connaît plus aucune limite, de celui que l'on atteint dans notre sommeil, se jouant de la gravité, des proportions, des perspectives, des rapports de force. C'est dans cet espace qu'elle trouve le Sage, symbole d'espoir, de courage, de détermination, censé lui montrer la voie pour se libérer de ses entraves. C'est cet espace qu'elle rejoint chaque fois qu'elle est censée "danser". D'abord refuge, puis prétexte indispensable à la collecte des éléments nécéssaires à son évasion avant l'arrivée du redouté High Roller (Jon Hamm, toujours impecc'), et dans laquelle elle embarque les quatre autres minettes. Dés lors, prenant le relais direct de la seconde strate, cet univers, sans cesse renouvelé selon les besoins de la "mission", accueille tant BabyDoll que ses comparses, transfigurées en guérrières de choc, en anges de la mort tendant vers leur seul but. Affranchies de toute peur, elles font feu de tout bois, effleurent les combats comme la surface d'un lac, dans une fluidité irréelle, immatérielle, mais dont l'écho se transmet aux deux autres strates du récit. C'est grâce à cette couche de la conscience de BabyDoll que tout est possible, parce que non soumis aux règles du monde réel. Elles y puisent des ressources insoupçonnées, confinant aux décharges d'adrénaline qui nous poussent en avant, quand le danger est imminent.

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Evidemment, Zach Snyder suit le même cheminement que son héroïne: plus elle se déconnecte de la réalité, plus son génie visuel, à lui, se libère, donnant libre cours à son imagination débridée. Il y distille alors des références évidentes touchant tant à l'heroic fantasy qu'aux jeux vidéos ou à la culture japonaise, abreuvant son récit fantasmagorique de clins d'oeil geeks, parsemant de détails clés les diverses séquences censées nous mettre sur la voie du dénouement.

Un dénouement que certains auront pressentis, aux aguets, et que d'autres accueilleront avec amertume, déboussolés. Assorti d'une morale que l'on pourrait juger simpliste, de loin, mais qui est en parfait raccord avec ce que le film démontre plan après plan: l'esprit ne connaît que ses propres limites; affranchies de celles-ci, il confère une quasi invincibilité à son propriétaire, et les ressources nécéssaires pour trouver la force et la volonté d'affronter la réalité, parfois âpre et désespérée.

N'en demeure pas moins que, si la démonstration est brillante, bluffante même, tant l'univers à la fois inédit et vaguement familier de Snyder nous fait effectivement nous "évader", hallucinant de richesse visuelle et de propositions de lectures transversales, la fin - et l'ensemble, sans doute, par extension - manque d'un je ne sais quoi qui perturbe la réjouissance pure que procure le visionnage de cette oeuvre qui reste, à ce jour, sa production la plus personnelle... et foutrement réjouissante.

Encore une grosse claque dans la tronche. Merci pour ça, Zach.

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