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Istanbul, mon amour…

Par Borokoff

A propos de Les collections de Mithat Bey de Pelin Esmer 3 out of 5 stars

Istanbul, mon amour…A Istanbul, Mithat Bey, un octogénaire collectionneur compulsif de journaux et d’objets en tout genre se retrouve menacé d’expulsion. L’immeuble où il habite n’est pas aux normes sismiques de la capitale turque. Mais Mithat Bey (Mithat Esmer) refuse de quitter son appartement où s’entassent ses collections comme ses souvenirs. Il essaye de rallier à sa cause Ali, le gardien de son immeuble à qui il fait appel pour aller à la recherche de nouveaux objets…

Les collections de Mithat Bey est une jolie première oeuvre de fiction. Un portrait plein de tendresse d’un vieux Stambouliote ressassant ses souvenirs dans son fauteuil, au milieu de son salon, le corps enseveli sous des piles de journaux (il préfère que l’on dise « papiers »). Pelin Esmer avait déjà réalisé un documentaire sur son oncle, ingénieur à la retraite issu d’une famille bourgeoise d’Istanbul. Un certain… Mithat Esmer. C’est à cet oncle qu’elle a confié la tâche ardue d’incarner ce loup  solitaire, gardien de la mémoire d’Istanbul râleur pour ne pas dire aigri.

Si l’on sent que Mithat Esmer n’est pas un acteur professionnel, il a assez de charisme et d’aplomb pour tenir la dragée à Ali, personnage un brin simplet, joué par un très bon Nejat İşler. Il faut voir avec quel stoïcisme et quelle raideur il négocie le moindre objet qu’il achète. Dans sa manière réaliste de suivre au quotidien ce vieillard sec et peu commode, la caméra de Pelin Esmer oscille entre documentaire et fiction. Ce que renforce le jeu de Mithat Esmer, qui ne joue pas vraiment.

Il y a deux histoires dans Les collections de Mithat Bey. Deux histoires de deux hommes séparés par plusieurs générations mais qui partagent la même solitude. Mithat passe ses journées à écouter, nostalgique, des enregistrements où il parle de ses années de jeunesse, d’un voyage d’études qu’il fit en bateau aux Etats-Unis, ayant bénéficié d’une bourse d’étudiant. Ali, 34 ans, s’est retrouvé éloigné de sa fille qui ne supportait plus l’humidité de l’immeuble et tombée malade, a dû retourner avec sa femme vivre dans leur village. Le récit entrecroise habilement cette rencontre de deux êtres qui sentent qu’ils ont accompli à moitié leur vie et du coup, ressentent une certaine amertume.

Mithat rêvait d’être un grand mathématicien et de révolutionner les sciences. Il se retrouva malgré lui chef de contrôle dans une usine puis travailla avec la police scientifique avant de devenir professeur de sciences. Mithat Bey étale sa fierté voire une certaine suffisance vis-à-vis d’Ali, ce qui laisse deviner son rang social élevé. Ne toise-t-il pas avec une certaine condescendance Ali ? Ce dernier rêvait de devenir policier mais rata le concours. Sa femme l’exhorte au téléphone de changer de travail et de trouver mieux que concierge. Pour Ali, Istanbul n’est qu’un tas gisant d’immeubles agglutinés. Pour Mithat, c’est une montagne de souvenirs, à l’image de ses collections qui lui ont coûté le départ de sa femme, qui ne supportait plus d’être envahie par des centaines d’objets et de journaux.

C’est le portrait réaliste d’un vieil ascète érudit et teigneux qui n’ayant plus la force d’aller chercher des nouveaux journaux, vaincu par l’asthme et la vieillesse oblige Ali à aller faire ces courses à sa place. Ali accepte en même temps qu’il revend habilement et dans son dos les objets dont Mithat s’est débarrassé. Malgré leur différence d’âge et de milieu social, les deux hommes se lieront d’amitié, beaucoup plus proches qu’ils ne le pensaient au départ.

Un film au final touchant, d’autant plus qu’il est réalisé avec une simplicité de moyens et une sobriété dans la mise en scène qui mettent en valeur le jeu de Nejat İşler, grand acteur à suivre…

www.youtube.com/watch?v=TQ9Aplxdy-w


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