Magazine Focus Emploi

Témoignage d’Annie…

Publié le 21 avril 2011 par Moyves

Mon parcours depuis près de 20 ans, Sûrement pas un cas unique

MAI 1992 : J’arrive du secteur privé

J’ai 40 ans, je suis titularisée dans le grade ouvrier d’état 2 ème catégorie. J’occupe alors plusieurs fonctions au service logistique dont celui d’agent d’accueil, tout va bien je suis passionnée par mon travail et ne compte pas mes heures.

Nous apprenons alors que le plan NEXT est mis en place ; je ne comprends pas comment 22000 agents vont devoir quitter l’entreprise en 3 ans sans plan social…

Je suis à l’accueil, une nouvelle direction prend les commandes de l’établissement : elle a comme objectif de faire des moins. Elle le fera sans ménagement.

Petit à petit on supprime des fonctions du poste que j’occupe, jusqu’à me retrouver seule devant une horloge.

Je sais à ce moment là, ce que veulent dire les mots harcèlement et manipulation. Les deux vous détruisent intimement.Sans comprendre pourquoi ce mot d’ordre est donné, j’ai été mise en quarantaine … Mes collègues de travail m’évitent de peur d’être mises au même régime que moi (ce qui me déstabilisera énormément ; je suis déçue, perdue, en colère, je me sens trahie et j’ai très mal).

JUILLET 2001 : Désorientée

Je suis à la recherche d’un poste, à l’ »ANPE interne » et sans grande surprise, on m’annonce que mon poste d’agent d’accueil est supprimé ! Il ne faut plus de métiers transverse, seulsl les métiers du commercial recrutent. Je ne suis pas commerciale où est-ce que je peux bien aller ?

JANVIER 2002 : Je suis mutée

Sur la plateforme du 1014 (agent administration des ventes résidentiels,) brisée par l’expérience que je vis, je rassemble mes forces pour affronter cette nouvelle fonction. Je n’ai aucune expérience sur les outils informatiques et le commercial. Je dors mal. Je me demande vers qui je peux me tourner. Je me pose tellement de questions mais j’ai de la volonté et je veux m’en sortir alors je fonce.

MARS 2002 : J’essaie d’apprendre les métiers du commercial

Je suis totalement désorientée, je perds tout mes repères, j’ai le moral à zéro mais il faut avancer … et cette xxx qui me nargue et s’amuse de ma détresse jusque chez moi dans le logement de fonction.

JANVIER 2003 : La plateforme du 1014 ferme

Je suis affectée sur la plateforme du 1016, je perds confiance je me suis investie à 100 pour 100 et je dois repartir de zéro, ou va-t-on m’envoyer après ? J’ai encore quelque années à faire, que va-t-il se passer ? Jusqu’à quand je vais tenir ?

Je rentre dans une équipe solidaire ; beaucoup de collègues, plus jeunes que moi, qui essaieront de m’aider, un responsable briefé aux résultats mais qui reste néanmoins humain, MAIS j’ai besoin de temps pour apprendre, il n’y en a pas.

Le responsable regrettera que l’on ne m’aît pas proposé une formation CAP AVENIR car c’est un changement de métier complexe du fait des appels clients très variés. Je suis totalement dépassée dans ce service.
De plus l’offre commerciale et les applications trop nombreuses évoluent en permanence.

Je n’arrive pas à suivre et parce que j’ai une conscience professionnelle je vais me battre et y laisser ma santé et mon équilibre.

Ma mémoire est comme une éponge saturée, elle n’absorbe plus les données.

Je suis fatiguée.

Je refuse les invitations de peur de ne pas être au top le lundi.

Je ne pars plus en vacances volontiers car j’ai peur des difficultés que je vais rencontrer au retour.

Ce sont des professionnels que j’ai au bout du fil, ils nous font confiance en choisissant de rester chez nous il faut faire vite et trouver les meilleures solutions c’est dans cet esprit que je vais vendre et informer, le courant passe bien avec les clients mais les ventes ne suivent pas, je ne remplis pas les objectifs.

Je serai écoutée, analysée, mes collègues iront jusqu’à me donner des services pour que je reste dans l’équipe.

J’étais appréciée et engagée dans mon travail, mais rien n’y fait je suis épuisée je n’y arrive plus, je n’arrive plus a assimiler. Un changement d’activité s’impose.

NOVEMBRE 2003 : Je suis transférée au proactif.

Là c’est la descente à la médiocrité, hormis le fait que je dois apprendre encore et encore.

Baladée de poste en poste par toutes ces mobilités forcées et toutes les réorganisations, je n’ai plus de visibilité sur ce qui reste de ma vie professionnelle, j’ai alors un sentiment d’inutilité, la boite m’a laissée tomber.

Les applications sont si nombreuses et différentes du 1016 et du 1014, hormis le fait que je suis usée, épuisée et cassée de l’intérieur , je ne crois plus en rien et ne sais plus a quoi me raccrocher.

Je ne vais entendre parler que d’objectifs à atteindre, de PVV ( prime de vente), de concurrence en nous culpabilisant ( « tu n’es pas assez agressive » ). Je suis dans une équipe où c’est le « chacun pour soi » avec une responsable de groupe jeune, froide et qui ne laisse place à aucun sentiment ; elle doit certainement prouver ses compétences en terme de management auprès de la hiérarchie.

Chose curieuse, il est important que l’on pense qu’il y a une bonne ambiance sur le plateau, alors que nous sommes en compétition entre équipes. Le samedi matin c’est place aux challenges et plus que jamais la compétition agressive entre les 2 équipes. Nous sommes infantilisés, chaque produit placé dans un temps imparti fait retentir une sonnerie ; le vendeur se voit offrir un chocolat …

On se vole des placements. On ment aux clients. Oon triche en commençant plus tôt en grapillant quelques secondes. A plus de 50 ans, jamais je n’avais imaginé travailler dans cette atmosphère.

Le système « m’irrite ». Je ne rentre pas dans le moule, Je pleure souvent. Je suis pathétique de m’abaisser en pleurant comme cela. J’ai honte et me culpabilise. J’agace ma responsable qui me prend à partie lors des briefings. On ira jusqu’à dire que je crér une mauvaise ambiance. Là encore je suis écoutée, évaluée. Il faut que je récite mot pour mot ce petit bout de papier affiché sur mon écran, c’est pitoyable. J’ai le sentiment de ne plus être un être humain mais un robot.

Avant le tourbillon des postes j’étais reconnue pour être une personne volontaire, joviale, drôle, j’avais de l’humour, une conscience professionnelle (ce n’est plus ce que l’on nous demande aujourd’hui.). Je ne suis plus cette personne je commence à avoir des idées noires, je souffre trop et je fais souffrir mon entourage, ma famille ne sais plus quoi faire pour me sortir de cette bulle, j’en suis consciente mais c’est plus fort que moi , alors je me dis qu’un geste suffit pour arrêter cette souffrance, un geste seulement mais même ça je n’ai plus le cran de le faire, je ne suis qu’un petit bout de vie qu’on assassine je ne suis plus rien, j’ai honte et me culpabilise. Sur les conseils de mon mari et de mes enfants je décide de prendre contact auprès du no 3 ( le responsable du plateau proactif ) pour lui parler de mon mal être et de la souffrance que j’endure depuis trop longtemps, il me répond en ouvrant la fenêtre du 3 ème étage « t’a qu’à sauter, tu t’es trompée de bureau je ne suis pas assistante sociale ».

Là-dessus, au lieu de sauter, j’ai été prise d’une crise de folie. Je hurlais comme une bête, et, cassée, je suis partie du plateau et j’ai eu un accident, sans gravité, tôle froissée et coup du lapin. J’ai été mise en congé maladie et ai suivi une thérapie.

NOVEMBRE 2004 : Je change de poste

Je suis mutée au service courrier. Le travail n’est pas compliqué, pas stressant. J’intègre une équipe de 5 hommes avec, pour la majorité d’entre eux, une histoire difficile. Ils voient mal l’arrivée d’une femme, dépressive de surcroit. Mon intégration est difficile.

MAI 2007 : Restructuration du service

Mon responsable, gentil mais inexistant,
va nous apprendre que le service perd une partie de ses fonctions et que seuls 2 agents resteront dans le service courrier. Cela a comme effet une rivalité entre collègues de travail. Cela m’est insupportable j’ai un malaise cardiaque et suis envoyée aux urgences pour une très forte hausse de tension. Je dois mon salut à notre assistante sociale qui me retire du travail, je suis suivie par le cardiologue et suis une thérapie.

DE MAI 2007 – A DECEMBRE 2008 : Je suis en C.L.M. (Congé de Longue Maladie)

(Problême cardiaque)

DE DECEMBRE 2008 A DECEMBRE 2009 : Congé ordinaire de maladie pour dépression

Malgré la demande de mon psychiatre et la confirmation de 2 experts en psychiatrie de me placer en congé de longue durée, le comité médical ira contre ces experts.

DE DECEMBRE 2009 A DECEMBRE 2010 : Disponibilité d’office pour maladie

DE DECEMBRE 2010 A JUIN 2011 : Disponibilité d’office pour maladie

Avec comme conséquence, une mise à la retraite invalidité. L’expert en psychologie me considère INAPTE TOTALE ET DEFINITIVE mais ne propose que 28% de taux d’invalidité.

Aujourd’hui

Je suis totalement ignorée de mon entreprise, J’ai la sensation qu’une seule chose les intéresse « Me mettre dehors coûte que coûte ».

Une mise à la retraite invalidité c’est 600Euros par mois.

Aujourd’hui je ne suis plus la même. J’ai perdu confiance en moi. Je ne ris plus comme avant. On me reproche d’être négative, de voir toujours le mal et cette souffrance est toujours là. Je regarde toutes les émissions sur France Télécom. J’ai découvert que tout était prévu. Ce n’était pas ma faute. Je faisais partie des 22000 agents à supprimer quelle que soit la manière. Je suis passé à coté d’une grave décision. L’arrivée de ma première petite fille m’a permis d’ avoir l’oxygène nécessaire pour rester debout.

AIDEZ-MOI A ME BATTRE CONTRE L’INJUSTICE, L’HUMILIATION, LE STRESS, PAR CE MANAGEMENT QUI M’A MISE KO. JE VEUX PAS ETRE UN NUMERO QUI S’ADDITIONNE A TELLEMENT D’AGENTS QUE L’ON A COMPLETEMENT IGNORES, JE VEUX LEUR DIRE QU’IL NE M’ONT PAS COMPLETEMENT DETRUITE.

Merci de m’avoir lue jusqu’au bout,

j’ai du me reprendre à plusieurs fois pour vous tracer mon histoire (trop dur)

Annie.


L’utilisateur qui a rédigé ce témoignage a accepté les conditions de rédaction et de post des témoignages, l’association « Les blessés de Next » ne peut être tenue pour responsable du contenu de ces témoiganges qui n’engagent que leurs auteurs.

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