France, automne 2005, vallée du Loir, entre champs et bois. Une vieille maison en pierre, au toit d’ardoises. Fenêtres à meneaux, petite porte d’entrée surmontée d’une inscription latine presque effacée. Un rez-de-chaussée où se dresse une grande cheminée et quelques meubles poussiéreux. Un étroit escalier qui aboutit à l’étage dénudé Un grenier, faiblement éclairé, auquel on accède par une échelle. Dans ce grenier, une malle ancienne. Dans celle-ci, des livres patinés par les saisons et, des feuilles orphelines qui ont gardé le souvenir des chants de rêveurs de jadis.J’ai gardé quelques unes de ces pages jaunies. En voici une, elle est de Josephin Soulary, né l’année de la bataille de Waterloo. Bibliothécaire à Lyon, il fut célèbre pour ses sonnets humoristiques publiés en 1858. Certains le considèrent comme un précurseur du Parnasse. Il est retourné chez les muses en 1891. LES DEUX CORTEGES .Deux cortèges se sont rencontrés à l’église.L’un est morne : - il conduit le cercueil d’un enfant ;Une femme le suit, presque folle, étouffant,Dans sa poitrine en feu, le sanglot qui la brise.
L’autre, c’est un baptême : - au bras qui le défendUn nourrisson gazouille une note indécise ;Sa mère, lui tendant le doux sein qu’il épuise,L’embrasse tout entier d’un regard triomphant !
On baptise, on absout, et le temple se vide.Les deux femmes alors, se croisant sous l’abside,Echangent un coup d’œil aussitôt détourné ;
Et – merveilleux retour qu’inspire la prière – La jeune mère pleure en regardant la bière,La femme qui pleurait sourit au nouveau-né !