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Dibakana Mankessi : La brève histoire de ma mère

Par Gangoueus @lareus
Dibakana Mankessi : La brève histoire de ma mèreAprès la lecture du roman de Tahar Ben Jelloun, la plongée dans ce second roman de Dibakana Mankessi était un véritable défi. Enchaîner deux lectures sur le même sujet, à savoir les chroniques de la disparition d'une mère, d'un parent aimé, avec toute les découvertes et réalités secrètes qui se révèlent. Le premier défi était d'éviter de faire une lecture comparée du traitement. Il faut dire que le romancier marocain publie régulièrement depuis 1973... Le second défi étant de taire l'exigence du style que m'impose la lecture précédente qui aurait pu biaiser ma chronique.
Mais en pénétrant dans ce roman de Dibakana Mankessi, La brève histoire de ma mère, mes inquiétudes de chroniqueur ont été rapidement levées. L'originalité du propos, de la mise en scène de ce propos, l'esthétique du discours de l'auteur congolais m'ont permis de rentrer facilement dans ce roman à plusieurs voix. 
Une jeune femme parle. Elle nous raconte la relation étrange de sa mère, Mâ Madô, avec la mort - sa mort - qu'elle a annoncée à ses enfants, avec précision. Quoi de plus glauque et de plus morbide à laisser peser sur une fratrie qui néanmoins veille sur la mater bien-aimée?  Elle finit par mourir le jour J, à l'heure H, à la minute près, seule sans l'assistance de ses enfants, lassés par le rendez-vous macabre se répétant chaque année depuis la première prophétie...
La chroniqueuse est l'une des filles de Madô. Elle narre le contexte de cette disparition. Elle parle de sa famille. Elle conte son adolescence. Elle évoque la lente culpabilité et la dépression dans lesquelles elle s'enfonce, malheureuse de ne pas avoir pris au sérieux les prédictions de sa mère, qui a tant souffert de son ménage, femme violentée par un mari complexé. Nous sommes dans le Congo populaire où une dictature marxiste sévit.
Complexité. Dibakana Mankessi introduit une seconde voix. Il appartiendra au lecteur attentif d'identifier cette voix. Cette dernière s'intensifie durant la veillée mortuaire. Elle remonte le temps, deux générations de femmes dans une lignée, elle retrace un crime originel, une faute qui va conditionner le caractère et les rapports entre les différents personnages.
Ces deux regards croisés sur cette mère permettent au lecteur de comprendre la construction de cette femme, la singularité de sa vie et de son entourage, et la souffrance sourde qu'elle tait en elle en dehors de celle qu'elle subit de son ivrogne de mari.
Comme je le disais en introduction, la démarche de Dibakana Mankessi est complexe et intéressante. Elle oblige le lecteur à comprendre les voix qui s'expriment, à suivre la chronologie des évènements dans le cadre d'un enchaînement de chapitres bien agencés. Ce qui m'a paru le plus intéressant, c'est l'écriture proposée, une langue française un poil triturée où les congolismes s’immiscent et s'imposent dans le texte. J'aime ce type d'écriture réinventée qui me fait penser à Alain Mabanckou ou Henri Lopès.
Alors, comment se reconstruit-on après une telle blessure? Dibakana Mankessi a une piste, à vous de la découvrir en lisant ce roman paru chez Acoria.
Bonne lecture!  Dibakana Mankessi : La brève histoire de ma mère
Dibakana Mankessi, La brève histoire de ma mèreEditions Acoria, 1ère parution en 2010, 210 pages
Jean-Aimé Dibakana Mankessi sera le prochain invité d'Afriqua Paris, jeudi 28/04/2011 de 19h à 21h au restaurant l'Albarino Passy.

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