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Chronique de la déchéance (Dans la famille truand, je demande…)

Par Borokoff

A propos d’Animal Kingdom de David Michôd 3.5 out of 5 stars

Chronique de la déchéance (Dans la famille truand, je demande…)

Dans une banlieue anonyme de Melbourne, Joshua, 17 ans, perd subitement sa mère morte à la suite d’une overdose d’héroïne. Orphelin, il part habiter chez ses trois oncles, les frères Cody, braqueurs de banque réputés…

Animal Kingdom n’a pas le même pouvoir d’évocation ni la puissance stylistique d’un James Gray, mais il brille au moins pour deux choses : son scénario (la chute renversante notamment) et le jeu de ses acteurs, tous excellents des premiers aux seconds rôles (Guy Pearce en inspecteur Leckie). On compare David Michôd (dont c’est le premier long métrage) à dessein à James Gray parce que dans le style baroque de ses décors, le choix de ses lumières tamisées, de ses couleurs chatoyantes, gris, beige, marron, dans la mise en relief des affects des personnages (sans jamais tomber dans le pathos), Animal Kingdom a tout d’une tragédie grecque. La mise en scène est moins flamboyante, moins superbe que chez Gray, rapprochant plus Animal Kingdom de The town de Ben Affleck que La nuit nous appartient, mais il y a assez de tension dans cette oeuvre, d’animosité tangible entre flics et truands pour rendre Animal Kingdom réjouissant.

Porté par un jeune inconnu, James Frecheville (Joshua), Animal Kingdom retrace le destin d’un jeune homme un peu paumé et qui malgré lui, va mettre le pied dans le crime organisé et une famille de truands sur le déclin. Sur le déclin, parce que les frères Cody font un peu parti d’une « vieille école » de braqueurs de banques autrefois célèbres. Mais la donne a changé. Les braquages ne font plus recette, les truands prospèrent désormais dans le trafic de drogue, ce qu’a compris Craig Cody, le cadet, qui tente de s’adapter.

Chronique de la déchéance (Dans la famille truand, je demande…)

Le crépuscule des Cody commence dès le début du film. Traqués, harcelés, les trois frères sont rapidement coincés par la brigade de répression du grand banditisme. On sent que Michôd s’est très bien documenté sur le sujet. En voix-off, Joshua raconte la peur quotidienne dans laquelle vivent désormais ses oncles. Il n’y a pas de suspense à proprement parler. On sait que les trois bandits ont peu de chances de s’en sortir. Rapidement, Baz, un ami et proche collaborateur des Cody, se fait descendre par la police qui a organisé un véritable coup monté pour l’abattre, révélant en cela des flics aussi pourris que les truands.

Joshua, lui, erre comme une âme en peine. Carrure robuste, bras ballants, il semble subir la dégringolade de sa famille dans la plus totale indifférence. La police comprend bientôt qu’elle peut se servir de lui comme appât car Joshua, trop jeune, a du mal  à se situer et à choisir un camp.

Les frères qui incarnent la chute de ce clan sont joués par trois acteurs au jeu magnétique. Pope (Ben Mendelsohn) est l’aîné et le personnage le plus dérangé du film, ravagé par des démons intérieurs, comme en atteste le regard malsain qu’il porte sur la petite amie de Joshua. En réplique de « Sonny » (James Caan) dans Le parrain, Craig Cody (Sullivan Stapleton) est une tête brulée, défoncée à la cocaïne et qui connaitra le même sort que le frère de Michael Corleone (Al Pacino). Darren, le benjamin est tout aussi patibulaire et inquiétant que Pope mais c’est le seul au moins qui protège un peu Joshua et s’en occupe.

A la tête de cette fratrie déjantée, il y a l’inénarrable Janine « Smurf » Cody (Jacky Weaver), la mère sociopathe qui s’adresse toujours aux gens avec des grands sourires et des tournures charmantes, plus dingue encore que ses fistons.

Pas de doute. Tout ce petit monde finira mal. Mais la chute renverse complètement le portrait et l’idée que l’on se faisait du timoré Joshua, jeune homme passif et sans grand caractère, plutôt introverti et silencieux. Alors qu’il paraissait jusque là fragile et vulnérable, Joshua soudain s’affirme comme un chef de clan impitoyable et sûr de lui, pétri de codes (d’honneur notamment) et capable de reprendre le flambeau de cette famille en fin de règne voire à la dérive… Du grand art de scénario pour retourner une situation. Ou lorsqu’Animal Kingdom croise Un prophète et d’abord Le Parrain

www.youtube.com/watch?v=9kYA43u3Tcc


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