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L’homme à la caméra

Par Borokoff

A propos de Gigante d’Adrian Biniez 2 out of 5 stars

L’homme à la caméra

Dans la périphérie de Montevideo, Jara travaille comme gardien de nuit dans un supermarché. Alors que ses nuits sont marquées par l’ennui et la routine, un évènement vient rompre cette monotonie…

Gigante, premier long métrage d’Adrian Biniez, décrit de manière réaliste et avec des moyens cinématographiques simples la solitude d’un veilleur de nuit corpulent et peu expansif (joué par un insituteur dans la vraie vie, Horacio Camandulle) qui va peu à peu s’enticher de Julia (Leonor Svarcas), une femme de ménage qui a attiré son attention sur un écran de contrôle.

La timidité de Jara fait qu’au lieu d’aller lui parler, il va en faire peu à peu un objet d’obsession et la suivre partout. Dans Gigante, ce qui importe, c’est le processus psychologique du personnage principal, ce cheminement par lequel Jara éprouve des sentiments uniquement par procuration. Le seul rapport qu’ait Jara avec Julia se fait au moyen d’une caméra de surveillance. Si son caractère introverti l’empêche d’aller vers Julia, Jara se met peu à peu dans la position d’un voyeur incapable de dépasser son inhibition.

L’homme à la caméra

Le procédé filmique et les plans fixes de Binez traduisent la répétition des journées et cette routine dans laquelle s’est enfermé Jara. Silencieux, incapable d’entrer en contact avec Julia, Jara en a fait peu à peu un fantasme voire une icône inaccessible. On pourrait craindre que Julia est en danger et que l’obsession ne tourne à la folie, mais le film, qui se passe sur fond de grèves et de revendications sociales des salariés du supermarché est résolument optimiste. Jara est doux comme un agneau et malgré sa carrure massive et son air renfrogné, ne lui fera aucun mal.

Il faudrait faire une thèse sur la place et le rôle qu’occupent les plans fixes dans le cinéma sud-américain contemporain. Souvent utilisés pour traduire la répétition et le quotidien, ils ont deux connotations opposées.  Dans Santiago 73 Post Mortem, le plan fixe suggère la grande détresse humaine et la tristesse du personnage principal. Dans Octubre, de Daniel et Diego Vidal, il fait en revanche rire et écho aux habitudes de vieux garçon prises par le héros. Dans le premier cas, l’effet produit est dramatique, dans le second comique. Le plan fixe s’accompagne d’un silence qui renvoie au mutisme du personnage.

Dans Gigante, l’effet produit par le plan fixe tendrait plutôt du côté dramatique. Jara symboliserait dans sa relation fictionnelle et fantasmagorique avec Julia l’impossibilité pour deux êtres de se rencontrer, et la grande solitude que les grandes villes produisent. Car c’est bien d’incommunicabilité dont il s’agit dans Gigante. Rien de nouveau sous le soleil ? Certes, mais à la différence de Le voyeur, Jara n’éperonna personne au moins avec sa caméra…

www.youtube.com/watch?v=T6cLx8StjPw


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