Meurtre d’un Bookmaker Chinois

Difficile de critiquer un film de John Cassavetes. Difficile d’en parler tout court, tellement ce cinéaste aura marqué son époque de son empreinte. Cinéaste moderne, talentueux, il laisse derrière lui une filmographie des plus brillantes, des plus variées (tiens, il aura même réalisé un Columbo – Peter Falk étant l’un de ses acteurs fétiches), des plus fidèles.

Et la fidélité, il connaît, dans cette histoire de meurtre d’un bookmaker chinois. Voici de retour face à la caméra un de ces plus grands fidèles, Ben Gazzara (plus récemment vu dans Chez Gino.. quel chemin!). Film des années 70, film de son temps ; un ancien soldat, devenu businessman à succès dans le monde de la nuit de Los Angeles, se voit contraint d’exécuter un meurtre sordide pour éponger ses dettes de jeu. Le nocturne englobe l’homme, pour cette virée en enfer sous les lumières de la ville, dans les quartiers chauds contrôler par les mafias. Cassavetes joue avec ça, évidemment, pour livrer un grand film (et long, plus de deux heures, ce qui à l’époque était dans la norme), la descente aux enfers d’un homme qui se pensait sorti des problèmes. Une chasse dans la nuit, pour une histoire d’hommes entourés de femmes, souhaitant la classe, la richesse et l’amour, rabaissé rapidement à la sordide humidité des rues de L.A. Sorte de versant Ouest des films de gangsters de l’époque, là où d’autres se fascinaient pour la Côte Est, nocturne et suintant, nous voici suivant les pas d’un homme n’ayant plus le choix de son destin.

Plus qu’une histoire d’assassinat, ce Meurtre d’un Bookmaker Chinois témoigne des répercussions de la guerre. Si le héros hésite à accepter le deal avec ses créanciers mafieux, son rôle est tout tracé. Destitué de ses apparats, de son rang, le voici redevenu simple exécutant, tueur à gage de bas étage, dans un contexte pas forcément brillant. Tout le monde veut s’élever au dessus des autres, tout le monde échoue plus ou moins. Une course en avant pour arriver à être le dernier à tenir, entre les soirées, la drogue, la violence, et les établissements fréquentables. Cassavetes filme avec virtuosité les lumières de la nuit, les chassés croisés entre les extérieurs et les intérieurs, resserrant le récit autour de cette voie sans issue, l’implacable destin d’un homme ayant basculé au bord d’une table de jeu. Fatidique et contemplatif, alors qu’autour s’agitent les hommes et les femmes des années 70′. Dans le vent de folie de l’époque, certaines âmes se perdaient sans ticket retour. Un film incontournable.

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Distributeur : Ocean Films.