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Lire en chine - suite

Publié le 03 mai 2011 par Abarguillet

LIRE EN CHINE - SUITE

La naissance d’une nouvelle littérature chinoise

Lors de notre précédent périple en compagnie de Xu Xing, nous avons rencontré trois pères fondateurs, trois icônes, de la littérature chinoise et, pour ce deuxième séjour que nous effectuerons, cette fois, avec Ye Zhaoyan pour guide, nous partirons à la rencontre de ces jeunes Chinois qui ont osé braver la tradition et le pouvoir pour imposer un nouveau ton, une nouvelle forme d’expression, des thèmes encore tabous il n’y a pas si longtemps, et chercher un peu plus de liberté. Notre première rencontre sera pour Hong Ying qui évoque les émeutes de la place Tien’anmen et ce qui en a découlé pour une jeune femme éprise de liberté. Nous prendrons, ensuite, grand plaisir à passer un moment avec la sulfureuse Weihui qui, à même pas vingt ans, a défrayé la chronique au-delà de la littérature, dans le monde entier, avec son premier roman. Et, nous terminerons notre séjour avec Qiu Xiaolong qui, à travers, un polar à la mode chinoise, cherche à solder l’époque Mao en réglant quelques vieux comptes personnels.

Nankin 1937, une histoire d’amour

Ye Zhaoyan (1957 - ….)

Le premier janvier 1937, Ding Wenyu assiste au mariage de la belle Yuyuan dont, au premier regard, il tombe follement amoureux, comme il est tombé éperdument amoureux de la sœur de cette dernière, dix-sept ans plutôt. Wenyu est un quadragénaire original et fortuné qui a déjà une grande expérience des femmes, acquise lors d’un long séjour en Europe et par la fréquentation assidue des prostituées qu’il préfère à la femme froide et hautaine qu’il a épousée et qu’il n’aime pas. Il va alors courtiser sans vergogne et avec ténacité la jeune épouse au risque de se rendre ridicule et de la compromettre aux yeux de son mari qui étonnamment n’est pas très inquiété par cette situation insolite et grotesque. Yuyuan rejette fermement ce bouffon qui ose l’importuner de son amour repoussant, elle la femme mariée et beaucoup plus jeune que lui, mais son mari s’éloigne d’elle progressivement et tombe dans les filets d’une belle étudiante. La jeune épouse repoussée et isolée devient ainsi une proie de plus en plus facile pour le prédateur qui guette le meilleur moment pour saisir cette proie qui lui semble offerte depuis qu’il a, lui aussi, répudié sa femme.

L’amour fou et inconditionnel de ce dandy chinois se heurte alors violemment à l’indifférence puis au refus et enfin à la fierté de cette jeune femme. Mais, l’histoire de cet amour impossible va rapidement se confondre avec les événements qui se déroulent à Nankin au cours de cette année 1937 qui se terminera par la grande tragédie du 13 décembre que nous ne pourrons jamais oublier. Et ainsi l’histoire de la Chine va conduire ces deux êtres sur un chemin qu’ils ne pensaient pas emprunter. Mais si les hommes proposent, l’histoire dispose.

A travers cette histoire, Ye nous propose avant tout un roman d’amour comme les Occidentaux en ont produit des quantités au cours des siècles précédents. Mais, si son héros pourrait être un Julien Sorel veule et sans ambition, son roman, même s’il a la longueur des romans occidentaux, conserve la lenteur du récit chinois et devient vite un peu ennuyeux à lire. L’auteur s’efforce bien d’activer toutes les tensions que comporte la tragédie qu’il a mise en scène mais il ne sait pas très bien jongler avec les sentiments et les émotions et il ne se meut pas avec aisance dans le monde de la psychologie. Il n’a pas suffisamment exploré le champ du romantisme, du lyrisme, de la sensibilité, de la tendresse et même de la haine pour donner vie à ses héros. Les protagonistes ressemblent plus à des personnages, des rôles, qu’à des êtres de chair et de sang confrontés à des émotions et des sentiments violents. Il semble qu’il n’ait pas exprimé, là, la dimension qu’il semblait avoir dans un autre roman, « La jeune maîtresse » et en tout cas il n’a pas la finesse, la puissance, la violence et la maîtrise dont fait preuve Weihui, par exemple, dans « Shanghai Baby » notamment.

Ce roman propose aussi une lecture de la Chine de 1937 qui ressemble quelque peu à la Chine d’aujourd’hui, où la réussite personnelle passe par l’argent mais aussi par l’honneur ancestral qu’il ne faut jamais bafouer. Et, le héros apparaît lui, en contrepoint de cette image, avec toute sa faiblesse, ses défauts et ses vices, comme l’incarnation de l’humanité soumise à la chair et à ses plaisirs, prête à tout pour atteindre « l’inaccessible étoile » comme chantait Brel. Et la clé de ce livre pourrait résider dans ces deux phrases : « Il comprit alors que les hommes ne sont jamais satisfaits. Un homme comblé n’est certainement plus un homme. »

L’été des trahisons  de Hong Ying  ( 1962 - ... )

Ying Hong fait partie de ces jeunes auteurs qui ont fait entrer la littérature chinoise dans l'ère moderne. Avec elle, le récit rompt avec les références aux traditions de la Chine éternelle. Elle élude la traditionnelle nostalgie de l'Empire du milieu pour décrire une Chine moderne secouée par les spasmes de l'ouverture de son économie sur le monde extérieur.

Dans ce livre, elle campe un très beau personnage de jeune femme qui affronte la répression policière sur la place Tien'anmen en 1989 et s'efforce avec courage et volonté d'affirmer sa personnalité et sa féminité dans un monde qui est encore réservé aux hommes. On ressent très fort la violence que supporte cette jeune femme mais on éprouve aussi de la tendresse pour sa fragilité devant toutes ces épreuves.

Shanghai baby  de Weihui  ( 1973 - ... )

En écrivant ce livre alors qu’elle était encore très jeune, elle n’avait même pas vingt ans, Weihui a jeté un véritable pavé dans la mare de la littérature chinoise qui avait encore certaines difficultés à sortir de son carcan ancestral malgré les efforts de nombreux jeunes auteurs. Elle ose la transgression avec cette fille qui a à un peu près son âge et qui ose aimer deux personnes en même temps, le pauvre jeune paumé qui ne peut la satisfaire et le bel aryen puissant qui l’emmène au septième ciel. Un raccourci pour exprimer la Chine qui explose à la vitesse des lumières qui illuminent Shanghai, la ville de toutes les fortunes et infortunes, où la chandelle se brûle par les deux bouts, où tout va trop vite.

Le cri du cœur, l’appel de la chair, d’une jeune chinoise née avec le boom économique de son pays, mais aussi de grandes pages de tendresse, sur fond de triomphe économique, qui émouvront tous les lecteurs, j’en suis convaincu.

La danseuse de Mao  de Qiu Xiaolong  ( 1953 - ... )

A travers cette enquête de l’inspecteur principal Chen, Qiu habille Mao pour un bon bout de postérité. En effet, si le roman raconte comment ce brave inspecteur est chargé d’une enquête ultrasecrète sur les agissements d’une belle mystérieusement enrichie, la vraie histoire semble bien se dérouler dans la vraie vie. La belle qui n’est autre que la petite-fille d’une star du cinéma des années cinquante, qui eut le privilège de danser avec Mao avant de connaître les affres de la Révolution Culturelle et d’en mourir, comme sa fille, la mère de la belle, laissant l’enfant totalement démunie.

Tout au long de sa quête, Chen, l’inspecteur poète, va essayer de faire revivre la Chine ancestrale avec sa littérature, sa poésie surtout, sa peinture et sa gastronomie pour essayer de comprendre son enquête qui trempe ses racines dans la Révolution Culturelle et dénoncer cette Chine nouvelle et moderne mais aussi perverse et superficielle où les Gros-Sous ont remplacé les cadres du parti mais où les privilèges et les inégalités sociales sont encore plus criants.

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