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Problèmes de communication et place de l’interprète

Publié le 04 mai 2011 par Stéphan @interpretelsf

Traduisant récemment une réunion ou le principal interlocuteur était totalement incompréhensible, aussi bien pour les sourds que pour les entendants, je me faisais la réflexion qu’il ne faut pas croire que la présence d’un interprète en langue des signes (ou dans une autre langue d’ailleurs) est une solution miracle pour garantir par sa seule présence une communication parfaite.

Ainsi, comme interprète en LSF, j’ai noté différents cas de figure où la communication était inexistante, aucun échange n’avait lieu :

  • un dialogue qui tourne en monologue (un dialogue de sourds en quelque sorte!). Par exemple, un locuteur réputé détenir un savoir confisque la discussion sans laisser son interlocuteur intervenir ;
  • lorsqu’un interlocuteur est atteint d’une « crise d’autorité ». Par exemple un patron veut marquer son pouvoir et ne prête aucune attention aux réactions de ses employés ;
  • un niveau de langue inadapté entrave la communication. Par exemple un spécialiste utilise volontairement un lexique ou des tournures de phrases que son auditoire ne peut saisir.

Les exemples de situations de non-communication sont nombreux et dans ces cas, l’interprète ne peut pas faire grand chose.

Par contre, il est essentiel que l’interprète (et surtout l’interprète en langue des signes) n’interfère pas dans les échanges par une présence trop voyante d’où la nécessité de trouver sa place, de décider précisément où se positionner afin d’assurer entre les personnes présentes une bonne communication.En effet, et c’est là le paradoxe, contrairement à nos collègues en langue vocale, nous devons, par nature être visible tout en essayant de se faire oublier.

Comme je l’ai déjà souligné, nous avons comme tâche première de permettre l’échange entre deux interlocuteurs (au moins), d’être un pont. Nous ne rentrons pas dans la discussion, nous tâchons d’être transparent.
A ce sujet, de nombreux débats ont régulièrement lieu entre spécialistes sur la transparence ou la non transparence de l’interprète.
Selon la « doctrine officielle » l’interprète est totalement transparent, il ne fait que traduire les propos énoncés sans rien ajouter ni enlever. Pourtant, la comparaison entre des traductions effectuées par différents interprètes à l’écrit ou en vidéo pour les interprètes/traducteurs en langue des signes montre bien que chacun d’entre eux laisse toujours passer un peu de sa subjectivité.

Sur un plan plus pratique, lorsqu’un sourd et un entendant discutent, l’interprète en langue des signes se place à coté de l’entendant, légèrement en retrait ce qui lui permet à la fois d’être face au locuteur sourd (indispensable pour une bonne communication en langue des signes) tout en étant en dehors du champ de vision du locuteur entendant, évitant ainsi que ce dernier regarde l’interprète plutôt que la personne sourde. Cela permet d’éviter les phénomènes de triangulation, comme lorsque le locuteur entendant, s’adressant à l’interprète débute ainsi chacune de ses phrases : « dites-lui que…« . Là, l’interprète n’est plus du tout transparent, il est présent dans la communication elle-même, donc il la perturbe.

Il existe alors différentes solutions pour sortir de cette ambiguïté. Par exemple, lorsque l’interprète sait que locuteur sourd connaît bien le métier d’interprète, il traduit en langue des signes tel quel : « dites-lui que…« , et la personne sourde se charge alors d’expliquer à l’entendant qu’il peut s’adresser directement à lui et non à l’interprète. Parfois, si les explications nécessaires à une bonne communication ne viennent pas ou ne sont pas suffisantes, l’interprète peut être obligé d’intervenir quelques minutes pour expliquer brièvement son rôle aux deux parties et les aider à mieux communiquer entre elles.
Bien évidemment, s’ils sont assis l’interprète est assis, s’ils sont debout l’interprète est debout.

Par ailleurs, habituellement l’interprète emploie le « je » lorsque le locuteur parle de lui même, ce qui parfois déroute les personnes non habituées à utiliser un interprète. Cette prise de rôle est toutefois une condition nécessaire pour que, petit à petit, l’interprète lui-même s’efface, les interlocuteurs s’adressant alors directement la parole, une communication fluide s’établissant.



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