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Celui qui en août 1953, rentra dans les bureaux de Sun Records pour enregistrer quelques chansons et les offrir à sa maman ne devait certainement pas se douter de l’avenir qui lui était réservé, et pourtant… C’est de là que tout est parti, très vite, il tape dans l’œil du patron Sam Phillips qui lui permettra d’enregistrer ses premiers singles et de partir en tournée. C’est lors de ses premiers concerts que le phénomène prend de l’ampleur, les cheveux teint en brun, le jeune garçon qui chantait jusque là quelques airs de country devint la première star du Rock’n’roll par son phrasé, son jeu de guitare et son mouvement de bassin qui excitait autant les adolescentes que choquait les parents. RCA, le plus important label s’intéresse alors à cette mine d’or et lui propose de rejoindre leur écurie avec à la clé la somme astronomique de 40 000 dollars. A 20 ans, ce jeune homme qui n’a même pas l’âge légal pour signer son contrat (ce sera son père qui apposera sa signature) devient alors le King.
Un an plus tard, et après le succès du single Heartbreak Hotel, on aurait pu craindre le pire, les ventes de singles se révèlent être assez décevantes. Blue Suede Shoes n’atteint que la vingtième place et Carl Perkins qui est l’auteur et l’interprète de la chanson originale fait même mieux que lui alors que aujourd’hui, cette version tend à être oubliée au profit de la reprise de Presley. Pourtant, son premier album éponyme sera au final un succès retentissant. Premier disque à dépasser le cap du million d’exemplaires vendu, il restera 10 semaines à la première place des charts. Au-delà du son particulièrement nouveau que proposait Elvis Presley, il y a surtout un nombre incalculable de tubes. D’entrée de jeu, le blanc-bec impressionne avec Blue Suede Shoes. Tout pourrait se résumer à ce titre, du vibrato exagéré de Presley au solo de guitare, la chanson d’ouverture signe en 2 minutes seulement une chanson aussi excitante qu’euphorisante. Aujourd’hui encore, la chanson garde une puissance féroce grâce à l’énergie déployée par un Elvis Presley déchaîné.
A l’image de la pochette culte (reprise 23 ans plus tard par les Clash) la guitare est au centre du disque. Contrairement à beaucoup de standards R’N’B et rock de l’époque où le piano faisait figure d’instrument principal, Presley renverse la vapeur avec ses reprises sur-vitaminés de classiques tels que I Got A Woman ou Tutti Frutti. Ce disque est aussi l’occasion de retrouver un Elvis assagi et plus classique en particulier sur les titres issus des fameuses Sun Sessions de 1954 dont le meilleur est gardé ici. En plus de nous faire bouger furieusement le bassin, le King nous fait rêver que ce soit avec des ballades à l’esprit Hawaïen (Blue Moon) ou en jouant le crooner romantique des campagnes (I Love You Because). Bien que 5 titres datent du label Sun et sont facilement identifiables elles parviennent à s’imbriquer parfaitement avec les autres compositions bien plus riches en terme d’instrumentation.
Si il est avant tout un artiste à single plutôt qu’à album, Elvis Presley réalise en à peine une demi-heure une première œuvre majeure du rock. Grâce à l’interprétation faite sur chaque titre, le King surpasse la plupart du temps l’originale. Ce disque, c’est aussi une voix, à la fois envoûtante et enivrante, elle reste avec le temps toujours aussi unique. Ce 23 mars 1956, jour de parution de l’album, le rock venait définitivement se faire une place dans le monde de la musique.
Faut-il écouter ce disque au moins une fois dans sa vie? Quelle question...
Blue Suede Shoes :
Tutti Frutti :