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Dans les valises de jean-christophe rufin

Par Albrizzi

Anciens vice-président de Médecins sans frontières et président d’Action contre la faim, ambassadeur de France au Sénégal de 2007 à 2010, ce médecin a reçu de nombreux prix littéraires dont le Goncourt pour son roman Rouge Brésil. Une fois n’est pas coutume, l’Académicien élu au siège d’Henri Troyat en 2008 publie cette fois un recueil de nouvelles sur le thème de la mémoire.
DANS LES VALISES DE JEAN-CHRISTOPHE RUFINVous publiez sept nouvelles, un format auquel vous nous aviez peu habitué…Oui c’est la première fois. J’en avais déjà trois qui étaient dans un coin puis j’en ai rajoutées quatre récemment.
Les écrivez-vous lors de déplacements à l’étranger, ou bien accumulez-vous de la matière afin de la façonner plus tard ?J’ai besoin que les événements se soient passés il y a longtemps. Je n’écris jamais les choses directement, c’est très rare. Par exemple je suis allé l’île Maurice, il y a de nombreuses années.
Ce matériau que vous rapportez de vos voyages, vous le puisez dans votre propre vie, mais on vous raconte aussi des histoires. Quelle est la part de vrai dans vos nouvelles ?Toutes ont une ossature réelle. Pour Les naufragés, c’est une dame issue d’une vieille famille créole qui m’a fait visiter Port-Louis et m’a conté l’anecdote sur la statue de la déesse Shiva. Dans Train de vie, je mets en scène une rencontre entre un photographe de guerre et une jeune Africaine. Une fois, j’avais voyagé en face d’une Malienne dans un Corail. Elle se rendait en Suisse allemande et moi en Haute-Savoie et elle avait fondu en larmes quand le contrôleur avait annoncé deux heures de retard. La fin de la nouvelle n’est évidemment pas arrivée. C’est pourquoi j’ai besoin d’un décalage pour plonger dans l’univers de la fiction.
Dans Garde-robe, le narrateur ne se sépare plus de la veste rayée qu’a portée son père au camp de Buchenwald : celle-ci est directement inspirée de votre histoire familiale ?Oui, je conserve encore maintenant celle de mon grand-père avec son triangle rouge qui désignait les prisonniers politiques, ainsi que sa correspondance d’époque. Il y a des années, j’employais un Sri Lankais qui, croyant bien faire, avait pris cette veste, l’avait lavée puis repassée. Je l’avais retrouvée dans mon placard au milieu de mes costumes.
Quel est le fil conducteur de ces nouvelles ?C’est un livre sur la mémoire et le passé. Ce sont presque des contes, ou des farces. Si le fond de la condition humaine est dramatique, le côté tragique est rattrapé par le plaisir de la vie. J’ai envie de transmettre ce que j’ai vu, entendu…
Dans Garde-Robe, vous écrivez : « J’ai découvert à cinquante ans que l’Histoire est une tragédie et que j’avais le devoir d’y prendre part ». Et vous ?Je pense avoir découvert le côté tragique de nos vies beaucoup plus tôt à cause de mon grand-père. J’ai choisi la médecine parce qu’elle pouvait m’amener vers des engagements différents. Très vite à 25 ans, j’ai été en contact avec l’Histoire car faire de l'humanitaire, c’était plonger au cœur des conflits et des révolutions. En tant qu’ambassadeur j’ai eu la possibilité d’agir, ce poste m’a permis de faire bouger les lignes mais vous en payez toujours un peu le prix. Si vous voulez faire une carrière, mieux vaut ne rien faire. Aujourd’hui, je cherche un peu ce que je ferai quand je serai grand.
« Tu parlais de l’amour avec l’expérience de plusieurs milliers de pages. », dit le fiancé de Lourenço Marques. Un hommage à la littérature ?On peut avoir une énorme expérience grâce aux livres mais la littérature n’est pas la vie. C’est mon grand dilemme car pour écrire, j’ai besoin de vivre et en même temps la vie me prend du temps et de l’énergie.
A quoi sert l’Académie française ?C’est une institution qui a de nombreuses activités, un rôle d’encouragement au niveau de la création, et dans la gestion de fondations. Nous sommes un point fixe dans l’Histoire de la nation au cours des siècles. Nos cérémonies et nos rituels ainsi que le décorum font partie de l’héritage spirituel de notre pays.
Propos recueillis par Nathalie Six
 Note : Sept histoires qui reviennent de loin de Jean-Christophe Rufin, Gallimard,163 p., 16,50 €.

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