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Le processus de civilisation

Par Bgn9000

Norbert Elias a écrit un livre entier (en deux tomes) que je n’ai pas encore lu, mais ce thème ainsi que le point de vue de cet éminent sociologue est passionnant. On retrouve ce thème dans « Mozart, Sociologie d’un génie » qui est une œuvre posthume, recomposée à partir de divers textes pour d’autres projets de livres ou pour préparer des conférences, mais aussi et surtout ce livre était un sujet sur lequel le sociologue avait exprimé son intérêt. Voici extraites quelques phrases qui nous font comprendre les pistes de ses réflexions en la matière, Page 20 : « … la tension chronique entre l’establishment aristocratique de la cour et les groupes bourgeois, en marge. Et cela révélait aussi certains aspects des âpres luttes sociales entre la bourgeoisie et la noblesse – qui remontaient  jusqu’à la création des villes médiévales dans l’ensemble de l’Europe ». Ce qui est évident, dans une lutte pour le pouvoir, c’est que les groupes dominants s’affrontent. En Europe, et particulièrement dans la ‘zone’  protestante, la bourgeoisie a pris une certaine indépendance financière mais avant tout spirituelle ; Le roi n’est ni un dieu ni un de ses descendants. L’approche de Norbert Elias peut nous sembler naturelle et convenue. Je vous rappelle que l’intertextualité a sans aucun doute diffusé ou infusé les idées de cet homme jusqu’à la conscience collective, c’est à dire jusqu’à nous ; La sociologie fait partie désormais du bon sens commun. Continuons : « En même temps que la structure des sociétés européennes, les caractéristiques des deux groupes se modifièrent de façon spécifique au cours des sept ou huit siècles que dura leur affrontement, qui se termina au XXe siècle par la montée des deux classes économiques, la noblesse perdant sa fonction de couche sociale ». Je suppose ici que les deux classes économiques sont les riches et les pauvres. Bien sûr, une telle vision binaire me chagrine, mais ce livre n’est pas strictement parlé l’ouvrage de Norbert Elias et le véritable auteur ou plutôt l’instigateur et intégrateur des textes du sociologue ne précise rien à ce sujet. Toutefois, dans l’hypothèse d’une lutte entre noblesse et bourgeoisie pour un statut économique dont on connaît l’unique critère valable, c’est-à-dire l’argent, il est clair que ses deux forces en opposition ont dû s’adapter pour cette transformation, cette étape dans l’évolution humaine, ce « tous pour un » (capital) et « un pour tous » (mondialisation).

Une chose m’apparaît évidente ce matin : connaître le passé ne laisse rien présumer de l’avenir, mais permet de vivre en harmonie dans le moment présent. Pour cette raison, au moins, il faut ne pas négliger passé et futur en suivant aveuglement des conseils qui incitent à revenir à l’instant présent. Comme il faut de tout pour faire un monde, vivre notre vie avec tous les aléas, tous les succès et les échecs, tous les petits et les grands événements, toutes ces choses et tous ces êtres que l’on trouve sur notre chemin d’existence, c’est vivre sa vie pleinement. Et la seule manière de la vivre dans le bonheur est d’embrasser tous ces êtres, toutes ces choses, tous ces événements, toutes ces souffrances et toutes ces joies, de les accueillir, de ne pas s’opposer, de tirer une énergie nouvelle de chaque expérience, de lâcher prise dans une logique de l’art martial qui dévie, qui évite, qui utilise la force de l’autre plutôt que gaspiller la sienne dans une lutte fratricide, car l’autre est un peu moi et moi est un aussi ces autres. On revient à « tous pour un et un pour tous » mais sans les chaînes de notre société de consommation, libérés par la vérité comme disait Socrate.

Revenons à Norbert Elias après cette harangue enflammée : « On observe, certes, des divergences et des conflits, mais aussi des rapprochements et des fusions entre les normes des groupes bourgeois et nobles tout au long de cette lutte sociale ». La difficulté des interactions humaines que la sociologie met en exergue et qui permet une analyse plus fine en se plaçant à mi-chemin entre concepts historiques et modèles psychologiques. J’ai croisé quelques années auparavant Messieurs Crozier et Friedberg qui enseignaient la « Sociologie des organisations » dans le cadre du DEA de Sciences Po du même nom. Ces deux précurseurs de la sociologie en France, en marge des problématiques sociétales que certains qualifieraient de populistes gérées par un autre grand sociologue, très médiatique à la fin de sa vie, Pierre Bourdieu, ont mis au point une méthodologie bien précise pour conduire ce type d’analyse. Les organisations humaines en entreprise ou dans l’administration n’échappent pas à la règle de l’impermanence des décisions et des actions humaines. Fournir des outils méthodologiques est le seul moyen que la raison a trouvé pour mettre cette impermanence en second plan et pour aboutir à un semblant de maîtrise de ce qui se passe dans des lieux prétendument normés. Toutefois je dois avouer que des résultats concrets en ressortent. Si des personnages comme Bourdieu arrivent à conduire une étude sociologique sur leur seule expérience que les anglosaxons appellent feeling, il n’en reste pas moins que l’apprenti sociologue gagne beaucoup dans l’application de ces méthodes. Comme l’écrit Jacques Drillon dans son livre sur la ponctuation : si on veut transgresser les règles, il faut au moins les connaître sur le bout des doigts.

7 mai 2011

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