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"Oskar et les minarets" de Slobodan Despot

Par Francisrichard @francisrichard

Oskar et les minaretsSlobodan Despot n'est pas seulement éditeur (il dirige les éditions Xenia ici), il est également écrivain, sa prose pouvant faire éventuellement merveille dans le registre poétique. J'ai parlé ici, il y a un an et quelque, de son magnifique Valais mystique, préfacé par Jean Raspail, qui en est l'insigne illustration.
A l'automne dernier il a écrit un livre sur un tout autre sujet, polémique à souhait, à savoir Oskar Freysinger, un homme méconnu en réalité, à la mauvaise réputation dans les médias, pour la mauvaise raison qu'il a été l'artisan politique de l'interdiction de la construction de nouveaux minarets en Suisse depuis la fin 2009.

Le titre du livre fait immanquablement penser à celui d'une bande dessinée, dans la lignée de Tintin et le Lotus bleu : Oskar et les minarets, paru non pas chez Xenia mais chez Favre ici. Le fait est qu'Oskar, "souriant, flanqué d'une queue de cheval légendaire et d'une dégaine de hippie" a tout d'un personnage de BD, incarnant un trublion mythique au sein d'une classe politique volontiers compassée, voire constipée.

L'auteur raconte par le menu le jour où la Suisse a osé approuver l'initiative anti-minarets, à la surprise générale, y compris à celle d'Oskar, son porte-parole le plus célèbre, qui attendait le résultat inattendu - tenez-vous bien - à la mosquée de Lausanne... où il comptait faire bonne figure quand serait connue la défaite annoncée de son camp, et d'où ... il a dû prendre la poudre d'escampette, pour échapper à un mauvais sort, une fois avérée la victoire nette, indiscutable et décisive de ce 29 novembre 2009.

Le récit des joies de la campagne référendaire, qui a précédé ce résultat détonnant, rafraîchira la mémoire de tous ceux qui ont oublié les entorses à la liberté d'expression qui l'ont emmaillée et qui ont entouré le débat d'alors, sous les prétextes les moins défendables. Les médias aveuglés par leurs préjugés n'ont pas compris que ce vote n'était pas de la part du peuple suisse la traduction d'un repli identitaire, expression qui leur vient automatiquement aux lèvres, mais plutôt entre autres la traduction d'une résistance à l'islamisation, par une sorte d'instinct de conservation préventif, au regard de tout ce qui se passe dans les pays voisins.

Comme le peuple avait mal voté, il fallait remettre en cause la démocratie directe qui avait permis une telle abomination. Les soi-disants démocrates reniaient tout soudain leurs convictions. Le débat se déplaçait sur un autre terrain que celui de la cohabitation religieuse. Oskar devenait le porte-parole des peuples qui en Europe n'ont pas la possibilité de s'exprimer sur de tels sujets, qui les préoccupent pourtant et les intéressent au premier chef, et sur la bouche desquels, par précaution, l'établissement médiatico-politique s'empresse de poser un bâillon.

Rien ne prédisposait ce professeur d'allemand, passionné de lecture et d'écriture, à devenir homme politique. Il aura fallu que le Conseil d'Etat du Valais, où il enseigne, s'apprête à lancer une réforme scolaire soviétisante pour le voir se lancer pour la première fois dans une bagarre publique, qu'il gagnera d'ailleurs haut la main. Après un rapide passage au sein du PDC local, qu'il quittera parce qu'il vomit les tièdes, il créera l'UDC Valais. Une satire écrite par lui sur le Conseil fédéral l'obligera à en quitter la présidence pour un temps, avant d'en reprendre les rênes avec une fougue décuplée.

Oskar Freysinger est écrivain, davantage qu'il n'est homme politique. C'est pourquoi il dérange énormément:

"Voilà le grand secret protégé par l'incrédulité publique: ce n'est pas tant l'élu de l'UDC qui gêne que l'homme de lettres assoiffé de provocation qui a trouvé le dernier moyen qu'il reste aux poètes pour heurter le bourgeois: s'afficher dans les rangs d'un parti réactionnaire."

Il écrit des nouvelles, des poèmes, des chansons, qui démontrent qu'il est réellement écrivain, ce qui ne suffit pas à le faire admettre par la Société suisse des auteurs... qui ne veut pas de lui sous le mince prétexte qu'il n'est pas fréquentable, ce qui montre toute son indépendance d'esprit... A propos de son monologue, Le nez dans le soleil, préfacé par Marc Bonnant, j'écrivais sur ce blog le 28 juin 2010, ici:

"Il faudrait, je pense, que le monologue d’Oskar soit dit à haute voix. Est-ce de la prose poétique ou de la poésie en prose ? Je ne sais, mais il fait rêver, réfléchir sur la vie, sur l’essentiel. Il ne lui manque que la parole. C’est un véritable petit bijou littéraire qui ne demande qu’à trouver une voix chaude et claire pour donner tout leur éclat aux mots qu’Oskar compose, comme un virtuose."
Seulement comme l'auteur de ce Nez s'appelle Oskar Freysinger, il ne peut évidemment pas avoir de talent. Quand on ne sait pas que c'est lui l'auteur, il est pourtant inévitablement reconnu comme écrivain de talent. Quand l'éditrice d'Oskar fait ainsi lire Le nez dans le soleil à Jacques Chessex, sans lui en indiquer l'auteur, celui-ci lui confie que le livre est "splendide" et qu'il révèle "une écriture typiquement féminine"...

Quand il participe anonymement à un concours de poésie, organisé par le Festival Rilke de Sierre, en Valais, dans la catégorie amateurs, il emporte le premier prix ex-aequo, mais les théâtreux du coin ne veulent pas lire son texte lors de la remise du prix et se bouchent virtuellement ... le nez en jouant l'épouvante.
Le livre, qui au fil des pages est assorti de commentaires en italiques d'Oskar, se termine par un dialogue entre Slobodan Despot et Oskar Freysinger sur l'islam.

Ce que reproche en premier lieu Oskar Freysinger à l'islam ?
"Le système répressif de l'islam a quelque chose de délibérément cruel et insoutenable [...]. Quand je vois ces flagellations, ces lapidations, ces exécutions publiques, que la technique moderne nous rend soudain plus visibles et plus "plastiques", je suis révulsé."


En second lieu son totalitarisme :

"La quête du pouvoir - le triomphe d'Allah, c'est-à-dire l'islamisation planétaire - est une fin en soi. Le royaume d'Allah est de ce monde."
Il ne peut que constater "la spécificité de l'attitude européenne face à l'islam" :
"Une soumission préalable à la contrainte. Une dhimmitude préventive."
Du coup:
"Ceux qui malgré tout essaient d'affirmer une position de refus ou de prudence vis-à-vis de l'islamisation de notre société sont diabolisés non par les musulmans, mais par leurs propres faiseurs d'opinion: médias, politiques, autorités religieuses. Cela donne aux fanatiques musulmans une carte blanche morale pour l'élimination physique des récalcitrants les plus durs."
Ce qui différencie le droit suisse et le droit religieux islamique ?
"En Suisse, chaque loi est démocratiquement légitimée. Cela signifie que nos lois peuvent changer, à l'inverse du droit religieux islamique qui, lui, est irréversible et autonome, car il est considéré comme d'origine divine; il est donné une fois pour toutes et ne doit de comptes à personne."
Et les minarets ?
"En fait, le minaret est avant tout le symbole bien visible d'une soumission totale à une doctrine et à l'intolérance qui en découle - même si cette dernière suscite des controverses entre les différents courants islamiques."
Dans la conclusion de son livre, Slobodan Despot souligne ce paradoxe :
"Le système de pouvoir occidental se sert, selon le contexte, de deux images radicalement différentes de l'islam. Dans un contexte géostratégique, il brandit un islam-épouvantail, terroriste et violent, et dénonce à l'occasion (au nom du "droit d'ingérence") sa légitimité à gouverner des terres historiquement musulmanes. C'est le "mauvais" islam, l'islam "11 septembre" qui justifie la dérive sécuritaire, le surarmement, les guerres coloniales et la suppression des libertés individuelles dans les pays mêmes qui les ont inventées. Dans un contexte de proximité, le même système entretient une image angélique de l'islam en refusant d'entrer en matière sur les incompatibilités entre ce système théocratique et les principes de la démocratie. C'est le "bon" islam."

Ce qu'il résume ainsi :

"Comble de paradoxe, l'islam apparaît donc, dans cette vision du monde, aussi indéfendable "chez lui" qu'il est inattaquable "chez nous"."

Paradoxe ou ... incohérence ?

Francis Richard


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