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La force des symboles (by Stefania)

Publié le 11 mai 2011 par Lifeproof @CcilLifeproof

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 Inscription d'un artiste anonyme au quartier de Rome Pigneto

La semaine passée, pile poil le 25 avril, le jour de la Libération, fête nationale italienne, les habitants du quartier du Pigneto, à Rome, ont découvert, à leur réveil, un nouvel objet à l’entrée de leur quartier : une inscription en fer forgé, en forme d’arc, qui disait « Work will make you free » (le travail rend libre). A quoi ont-ils pensé? A une blague? A une irruption d’un des nombreux groupes néonazi de la capitale? A des vandales? La majorité des politiques de la ville et de la région a crié au scandale, en condamnant le geste, tous les journalistes se sont empressés d’écrire dans leurs articles qu’un geste faisant l’apologie du nazisme avait poussé pendant la nuit au Pigneto comme un champignon.

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Quelques heures plus tard, nous avons tous découvert que cette installation était en réalité l’œuvre d’un « artiste » (qui a voulu rester anonyme) et que son but était d’attirer l’attention sur les conditions inhumaines des travailleurs, sur la precarité et la violence quotidienne à Rome et en Italie.

Or, cette petite histoire m’a fait beaucoup réflechir sur l’emploi des symboles et surtout sur la repropositions des symboles forts du nazisme. L’artiste, dans une courte interview, dit que l’art ne doit pas forcement proposer des belles images, ayant une simple fonction décorative et je suis complètement d’accord avec lui. Parfois la volonté de nous pousser à la réflexion est plus impérieuse que celle de faire jouir nos yeux.

L’artiste déclare aussi, dans son interview, que l’inscription qu’il a réalisé n’était pas vraiment identique à celle qui surplombe l’entrée au lager d’Auschwitz, même si elle s’en inspirait : la police était différente, elle n’était pas ondulée, mais en forme d’arc. Et surtout il ne s’agit pas d’allemand, mais d’anglais, de façon à ce que tout le monde puisse comprendre le message. Cette affirmation est encore plus intéressante que la précédente : dans la tête de tous, dès que nous avons découvert l’inscription, le lien avec Auschwitz a été évident, « le travail rend libre » paf ! Nazisme ! C’est ça la force des symboles, il suffit qu’ils nous suggèrent quelque chose sans forcément exprimer clairement un message ou un contenu. Tous les symboles forts, (politiques, réligieux…) fonctionnent comme ça.

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Robert Gligorov, Attacco al sistema, photographie

Je ne veux pas ici commenter cette œuvre, si elle est réussie, si c’est un plagiat ou pas (il paraît qu’il y a quelques années un autre artiste très connu en Italie, Robert Gligorov, a proposé une installation avec la même inscription, mais en italien, sur le bâtiment de FIAT. Ceci est une preuve supplémentaire que les symboles forts sont souvent utilisés par les artistes et les intellectuels pour leur capacité d’évocation immédiate)… mais je me demande s’il y a encore des symboles « intouchables » dans la notre société actuelle ? Peut-on faire de la provocation avec tout (politique, génocides, religion…) ou reste-il encore des thèmes tabous ? Et, faut-il toujours accompagner les œuvres d’art d’une explication pour qu’elles soient effectivement reconnues comme de l’art ?


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