A l’initiative de l’AMF et de l’Académie de Médecine une rencontre nationale a été organisée le 12 mai à Paris, sur deux thèmes d’intérêt majeur – la qualité de l’eau de consommation et la prévention de l’obésité de l’enfant – qui mettent en jeu la responsabilité des élus. Il y avait là un beau sujet pour montrer la cohérence d’une politique qui à la fois protégerait la qualité de l’eau et participerait de la prévention de l’obésité chez l’enfant. Hélas il semblerait que les 2 sujets aient été traités de façon distinctes.
Pourtant tout avait semble-t-il bien commencé. L’Académie de médecine insistant:
« Il faut d’abord selon elle renforcer les mesures de protection contre les pollutions en amont des captages. »Plus on saura les protéger, moins on aura besoin d’investir en aval ».
C’est d’une logique imparable. On est tous d’accord. Malheureusement les mesures envisagées pour y parvenir (en tout cas tel qu’elles nous sont rapportées dans l’article publié par Localtis) nous laissent sur notre faim.
L’Académie juge aussi important d’encourager les actions de recherches fondamentales, technologiques et épidémiologiques sur les risques sanitaires et les enjeux associés liés aux micropolluants comme les résidus de médicaments dans l’eau.
Euh oui certes mais quid des méga-polluants comme les produits phytosanitaires déversés en tonnes par l’agro-industrie (agriculture intensive) !!! Pas un mot dans l’article sur ce sujet. Soit le sujet n’a pas été abordé, ce qui serait insensé car de nos jours ce n’est plus un sujet tabou. Le maire de Lons Le Saunier (président de l’AMF) ne cache pas que c’est pour protéger la qualité de l’eau qu’il a incité les agriculteurs de sa commune à se convertir au bio. Soit l’éditeur a bien fait son travail et le compte-rendu a passé sous silence ce sujet (encore!) trop lourd de conséquences politiques et économiques. C’est vraiment désespérant !!
Ensuite on aborde le sujet de l’obésité chez l’enfant. Rien à voir avec le sujet précédent semble-t-il. En tout cas d’emblée les maires sont rassurés.
La cantine a-t-elle un rôle à jouer contre l’obésité chez les jeunes ? « Clairement non » a répondu Pascale Modaï, médecin nutritionniste, spécialiste de l’obésité du grand enfant et de l’adolescent. Son argument : sur une année complète, les enfants ne prennent que 140 repas à la cantine, ce qui ne représente que 12% des apports nutritionnels annuels.
Ouf voilà un sujet dont les maires n’auront pas à se préoccuper… avec une caution médicale de surcroît.
L’argument du médecin est certainement vrai d’un point de vue strictement statistique. Sauf à considérer le temps de cantine comme autre chose qu’un temps de ‘nourrissage’ exclusivement; un temps mort entre 2 séquences d’éducation où l’on fait passer le temps aux enfants et où accessoirement on les nourrit le mieux que l’on peut et surtout à moindre coût.
Nous considérons ici qu’une éducation à l’alimentation doit être dispensée durant le temps de cantine (sujet déjà abordé ICI). Les enfants seraient alors sensibilisés aux modes de consommation alimentaire et pourraient ensuite faire un travail de prescription à la maison. J’irais plus loin ici en disant que les parents pourraient être invités à venir durant ces temps afin d’être sensibilisés directement à la question de l’alimentation.
Toutes les études sur l’obésité montrent que ce sont chez les classes sociales aux plus bas revenus que l’obésité à la prévalence la plus forte. Si la cantine est capable de montrer et d’expliquer que manger mieux ce n’est pas forcément manger plus cher alors le temps de cantine peut jouer un rôle dans la prévention de l’obésité.
Mais poursuivons notre lecture édifiante. Le sort des produits bio est exécuté en une phrase.
« le bio n’est pas un argument nutritionnel ». Autrement dit par Bernard Salle, « en définitive, le bio apparaît beaucoup plus comme un mode de culture respectueux de l’environnement et de la qualité des sols que comme une assurance de mieux préserver la santé des consommateurs ».
Reprenons les arguments point par point. L’argument nutritionnel est en effet parfois abordé par les défenseurs du bio en disant que les produits bio seraient plus riches en nutriments que des produits issus de l’agro-industrie. Ce sujet fait encore débat et il reste probablement à produire une étude qui tranche définitivement ce débat. Admettons.
L’argument de santé publique est beaucoup plus contestable. Des études récemment publiées ont montré les liens réels et avérés entre les résidus de pesticides présents sur les aliments et leurs conséquences sur la santé.
L’Académie de médecine reconnaît néanmoins à l’agriculture biologique des bienfaits en matière d’environnement et de respect de la qualité des sols. Mais lors pourquoi n’en avoir pas parlé dans la 1ère partie en montrant que l’agriculture biologique est une des « mesures de protection contre les pollutions en amont des captages », probablement la plus efficace qui soit.
On voit ici la belle occasion perdue de faire le lien tellement évident entre protection de l’environnement et santé publique. Là encore les questions posées sont les bonnes mais les vrais causes des problèmes sont, volontairement ou non, masquées. Et surtout on ne veut pas faire le lien en protection de l’environnement et santé publique. Donc forcément les réponses proposées sont insuffisantes.