EASY GIRL (Easy A) de Will Gluck

Au lycée comme en société, il n’y a pas le choix: pour exister, il faut que l’on parle de vous. Olive (Emma Stone, hilarante) l’a bien compris lorsqu’elle plonge la tête la première dans les délices de la surenchère: monnayer (pour de faux) ses services sexuels, pour devenir (pour de vrai) l’officielle bitch de service. De ce petit microcosme adolescent, jaillissent tous les travers de l’Amérique et de l’humain: une société machiste chez qui l’homme qui couche est un tombeur, la fille une vilaine catin ; société gangrénée par ses relents catho, où le voisin s’adonne (toujours) à pire que vous, en vous pointant du doigt. Les mensonges de l’héroïne, comme autant de révélateurs du vice des autres, catalysent les vérités d’une époque : un regain religieux effrayant ("La Bible, meilleure vente avec Twilight"), une aversion pour la différence (homosexualité, obésité), un diktat omniprésent de l’apparence (popularité, respect des normes, médias sociaux). Même les parents (fabuleux Stanley Tucci et Patricia Clarkson en vieux hippys) sont dépassés, présentés en contrepoints bien sentis à la nouvelle génération, plus radicale et blasée.
Du cynisme, Will Gluck en distribue à tout va, dans un teen movie subversif et intelligent qui dénonce l’intolérance sous toutes ses formes et la formidable hypocrisie du monde contemporain, puritain, cruel, calomnieux. Le ton est enlevé, drôle, piquant, effronté- à l’instar d’une héroïne désopilante qui pousse sa démonstration au paroxysme. Le film, injustement condamné à une sortie dvd, même rires et réflexion sur le statut de la femme aujourd’hui, et blâme- au travers d’un parallèle ludique avec The Scarlet Letter d’Hawthorne- les petites mentalités étriquées d’un monde régressif. Il est loin le temps des fleurs dans les cheveux, de la libération sexuelle, et de l’innocence eighties.