Magazine Culture
C’est peu dire qu’on l’attendait de pied ferme, le nouveau Malick. Formidable metteur en scène, des Moissons du Ciel au Nouveau Monde, le cinéaste possède une patte visuelle unique, emphatique mais sensible, au plus près des visages, de la nature, de l’émotion dénudée. Le verdict tombe comme un couperet : son Tree of Life est une gigantesque déception- désorientée, maladroite, confuse- à la hauteur des ambitions démesurées du réalisateur. L’histoire ? Celle d’une famille texane, dans les années 50, d’un père autoritaire (Brad Pitt) et d’une épouse soumise (Jessica Chastain) frappée par le deuil, mille questions existentielles, et confrontée à la difficulté d’élever trois gamins au milieu du chaos et des incertitudes. Le problème ? La forme, lourdingue, d’un style ampoulé, flirte le plus souvent avec l’abscons dans une quête spirituelle et religieuse qui a tendance à tout mélanger. Soit le drame humain le plus intense avec un patchwork inopportun et décalé d’images de synthèse : des visages humains qui souffrent superposés à des volcans en fusion, des dinosaures en images de synthèse, à une nature souveraine, à un résumé (risible ? ridicule ?) de l’histoire du monde et de l’univers, de l’ère glacière à aujourd’hui.
Malick livre une purée mystique éreintante et pénible, caresse tour à tour créationnisme et darwinisme, déterminisme et existentialisme, peur du vide et certitude d’un après, en opposant figures (le père/la mère), concepts (nature/ grâce), éducations (rigide/aimante), et notions (l’inné/l’acquis) pour tenter de percer le sens de la vie. Son tableau métaphysique se compose d’une multitude d’inspirations (freudienne, biblique) et ressemble à un croisement du Enter the void de Noé (pour l’errance et le trip halluciné) et du The Fountain d’Aronofsky (pour les mêmes thématiques sous-jacentes). Le voyage est risqué, embrouillé, audacieux mais replié sur lui-même. Derrière l’emballage mi-catho mi-auteuriste, avec un nombre incalculable de séquences surfaites (l’étreinte finale Brad Pitt/Sean Penn sur une plage paradisiaque en sommet kitsch !), il n’y a finalement pas grand-chose, si ce n’est un cinéaste qui, la plupart du temps, se regarde filmer- égoïstement perdu dans les arcanes et dédales de ses obsessions. Organique, oui. Orgasmique, non.
PALME D'OR Festival de Cannes 2011.