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Les feux de l'automne

Publié le 17 mai 2011 par Lorraine De Chezlo
LES FEUX DE L'AUTOMNEd'Irène Némirovsky

Roman - 280 pages
Editions Albin Michel - mai 2005
Editions Livre de Poche - novembre 2007



Thérèse est une jeune fille sage, qui, dans le Paris de la petite bourgeoisie des années 1910, se marie à son cousin Martial, jeune homme amoureux, sensible, et futur médecin. Mais dès le lendemain, l'heure de la guerre a sonné, les jeunes mariés n'ont pas le temps de s'installer que Martial est appelé dans les tranchées, d'où il ne reviendra jamais... Veuve inconsolable, Thérèse poursuit sa vie de femme seule, avant de prendre conscience du gâchis que la guerre a fait de sa vie. N'a-t-elle pas droit au bonheur elle aussi ? Alors que l'entre-deux-guerres voit les hommes faire avidement fortune et les femmes s'amuser follement, Thérèse est attirée par Bernard, ce jeune engagé, homme cynique et volage, qui a pris goût à l'argent facile. Et si un second mariage devait suivre, Bernard l'aimera-t-il ? Comment croire que ses déceptions ne seront pas immenses ?

Irène Némirovsky nous plonge rapidement dans son époque, romançant ainsi l'histoire de Thérèse et de son entourage familial depuis la guerre de 14 à celle de 39-45. Autant dans les faits, qui nous font revivre nos cours d'histoire, que dans la forme, par ce style classique d'avant, dont on peut être nostalgique parfois, tout contribue à créer cette ambiance du passé. Ensuite, il ressort de cettre fresque romanesque une critique acerbe de la bourgeoisie de l'époque : des gens hypocrites, protocolaires, égoïstes, matérialistes. Leurs choix de vie doivent se faire en considérant les intérêts potentiels. Et la condition des femmes comme Thérèse, elle n'est pas bien glorieuse. Contrairement à celles qui ont peu de scrupules, Thérèse subit, elle subit l'absence puis la perte de Martial son premier mari, elle subit le veuvage qui inquiète les autres, elle subit les frasques de Bernard, ses adultères répétés, elle élève leurs enfants, bien seule, elle subit la mort de son fils, elle attend des années sa libération alors qu'il est fait prisonnier pendant la Seconde Guerre Mondiale, prête à tout lui pardonner. Plus elle s'évertue à être irréprochable, plus le mauvais sort semble s'abattre sur elle. Irène Némirovsky en ferait presque un contre-exemple à ne pas suivre, une vie maladroitement gâchée.

Extrait :

"Les unions heureuses sont celles où les époux savent tout l'un de l'autre, ou bien celles où ils ignorent tout. Les mariages médiocres sont fondés sur une demi-confiance : on laisse échapper un aveu, un soupir ; on livre une parcelle de désir ou de rêve, puis on prend peur ; on se rétracte ; on s'écrie : "Mais, non, tu n'as pas compris..."; on murmure lâchement : "Tu sais, il ne fallait pas prendre à la lettre ce que j'ai dit" ; on se hâte de renouer les cordons du masque, mais, déjà, l'autre a vu ces larmes, ce sourire, ce regard inoubliable... S'il est sage, il ferme les yeux. Sinon, il insiste, s'acharne : "Mais tu as dit... Ecoute, je ne te comprends pas, tu m'as avoué toi-même..." Puis "Jure-moi que tu ne regrettes pas cette femme... Jure-moi que tu ne regrettes pas cette vie..."
Thérèse, dans l'ombre du lit conjugal, répétait à voix basse :
- Jure-moi que tu ne penses plus à Renée... Jure-moi que tu es heureux..."

Quelle vie que celle de Thérèse ! Elle nous semble dramatique et tout à la fois représentative de cette période de l'Histoire. On ne la comprend pas toujours, sinon qu'elle s'enferme dans un amour qu'elle refuse de voir s'éloigner, d'en admettre l'impossibilité. Seule lueur d'espoir que nous donne l'auteure : Bernard semble mûrir lors de la Seconde Guerre Mondiale. Loin de ses repères, il remet en cause le bien fondé de la guerre, il réfléchit à l'intérêt du matérialisme sans stabilité. Le roman s'achève en 1941, l'année qui précède la mort d'Irène Némirovsky, déportée et assassinée. La suite des feux de l'automne, c'est à nous de l'imaginer, de désillusion ou de bonheur familial - enfin ! - pour Thérèse.
Je ne pensais pas me laisser séduire par cette lecture, or, même si je ne me suis guère attachée aux personnages, j'ai aimé suivre ces destins ancrés dans une époque révolue si bien dépeinte, et dans une langue fluide, belle, précise. Belle découverte pour moi de la plume d'Irène Némirovsky, par un de ses ultimes romans._________[merci InColdBlog !]

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