Voilà presque treize ans que les deux sœurs s’emploient à distiller leur neo soul à travers le monde. Une musique métissée teintée d’afro-centrisme et de subtilités vocales, esquivant avec adresse le vulgaire des productions calibrées pour les masses amorphes. Malgré une discographie réduite, les Nubians ont su susciter un intérêt incroyable, dépassant le strict carcan hexagonal. Leur nouvel album Nu Revolution signe ici le retour d’un duo toujours en place.
Princesses Nubiennes
Que l’on soit amateur ou non de neo soul – et a fortiori de soul française – force est de constater que ce groupe vocal féminin sait se faire apprécier. Lorsqu’en 1998 paraît leur premier opus Princesses Nubiennes, le monde découvre deux frangines au groove harmonieux et fortement imprégnées de références culturelles liées à la mythologie africaine. Si en France leur succès reste timoré, c’est aux Etats-Unis que les Nubians vont prendre toute leur dimension. Grâce au single « Makeda », Célia et Hélène touchent du doigt le rêve américain en remportant notamment en 1999 le prix de la « meilleure révélation Soul ». Cette soudaine reconnaissance non usurpée leur permettra par la suite de travailler avec une pluralité d’artistes comme Talib Kweli sur le fameux Train Of Thought (2000), Kery James, The Roots, Manu Dibango ou encore Dany Dan des Sages Po. Inviter les Nubians sur un morceau revient alors à lui donner une touche chatoyante, sensible et foncièrement féminine. Certains ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Pour ce troisième essai, le groupe a voulu mettre l’accent sur un habillage musical résolument contemporain tout en y injectant cette touche si personnelle qui a fait leur succès.
Nu Revolution ?
Avec un titre aussi évocateur, on est en droit de se demander si les Nubians ont réellement bouleversé leur propre conception de la musique, ou si cela n’est que du bluff…
Servi par une pochette sophistiquée qui colle parfaitement à leur univers culturel, Nü Revolution semble vouloir trancher avec le style de leurs débuts très marqués par les productions des années 1990. Pour 2011, les deux gazelles reviennent avec un son neuf qui jamais ne parvient à corrompre leur style originel. La justesse des voix est inaltérable, comme si le temps n’avait pas d’emprise sur cette fraicheur qui jamais ne plie face aux fioritures cache-misères que l’ont réserve aux chanteuses de bas étage. Une fois de plus, le raffinement est de mise, la complicité fraternelle et artistique fait mouche. Musicalement, ce Nü Revolution s’inscrit dans une refonte adroite des rythmes africains (« Nü Queens Intro », « Liberté ») et de groove contemporain (« Nü Revolution », « Mbengue »). Certains morceaux se démarquent notamment grâce au savant mélange de ce cocktail explosif à l’image du pétulant « Afrodance » et de sa cadence contagieuse.
Comme à leur habitude, les Nubians se sont entourées de personnalités en accord étroit avec cette ligne artistique qui les caractérise. On retrouve ici Monsieur Manu Dibango (« Nu Soul Makossa »), Eric Roberson (« Déjà vous »), le plus ghanéen des brooklynites Blitz The Ambassador (« Les Gens ») ou encore John Banzai sur un remix de « Veuillez veiller sur vos rêves » initialement paru sur l’album Changes Of Atmosphere du beatmaker Dela. Si Nü Revolution brille de par son écrin soigné et élégant, son point faible réside dans la récurrence de paroles consensuelles dont la candeur frise l’exaspération. Dommage, car musicalement ce nouvel opus est peut-être le plus abouti de tous, celui qui de l’unique point de vue de la production parvient à nous garder en éveil. Une révolution en demie-teinte en somme.
Chronique publiée pour NeoBoto.com