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Mama Rosin & Hipbone Slim + interview Poly Rythmo

Publié le 18 mai 2011 par Cloudsleeper

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A paraître dans le prochain Rif Raf, quelques chroniques notamment Seun Kuti et surtout sur Mama Rosin & Hipbone Slim. Interview avec le leader du groupe mythique, le Tout Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou!

Mama Rosin together with Hipbone Slim & The Kneetremblers

‘Louisiana Sun’

Voodoo Records

Oyez, oyez, accourez aux noces de Mama pour voir son nouveau fiancé ! Il est long, il est maigre, il a les os sur la peau et qu’est-ce qu’il est sexy ! Lui, Hipbone Slim, n’a rien d’un jeune puceau au vu ses forfaits précédents (‘The Sheik Said Shake’). Quant à Mama, elle avait déjà bien la banane, lorsqu’elle nous avait envoyé son rock cajun made in Zwitserland, ‘Brûle Lentement’. Vu sa libido bouillonnante, elle ne pouvait que s’accoupler avec un nouveau soupirant, appartenant à la même famille qu’elle, la très déplorable Voodoo Records dont la devise est « Records To Ruin Any Party ». Des gens bien qui ont compris que le rock’n’roll ne doit jamais être respectable, en somme. Ces noces consanguines donneront évidemment des rejetons dégénérés : ‘Voodoo Walking’ a dû être conçu dans les marais suintant de la Louisiane et ‘Gettin’ High’ est un boogie à son papa tout craché ! ‘London Zydeco’ fait déjà de son roi du haricot compulsif. Quant à ‘Citi Two-Step’, il frappe furieusement du pied et fait péter l’accordéon car il se dispute avec une jolie catin créole. On écoute béat, ces douze jeunes pousses se chamailler et hurler sur des rock’n’roll cajun, du swing aux piments rouges, du hillbilly endiablé… Pffff, c’est sûr, ils sont déjà damnés ces petits-là et si pas, je me damnerai pour eux ! Avec la bénédiction du révérend Clifton Chenier ! (jd)

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Seun Kuti & Egypt 80

‘From Africa With Fury : Rise’

Because/Planète Aurora

Dans la république de Kalakuta, les choses ne changent pas vraiment : les albums du clan familial continuent à exceller. Le dernier fils du Black Président avait signé un premier album qui était un véritable coup de maître. Voici son deuxième qui ne l’est pas moins. Plus tendu, plus nerveux, ‘From Africa With Fury’ se ressent pour son tempo très enlevé et dans une scansion souvent plus rapide et hachée, vindicative : sans y concéder quoique ce soit, Seun s’est encore rapproché un peu plus proche du rap et fait péter ses mots sur les coups de basse obsédants de Kayode, à moins que ce ne soit l’inverse… Ses paroles justement, toujours frondeuses, dénonciatrices de l’oppression de son peuple par les « rulers », des Africains pillés par les multinationales, de la faim au ventre… voilà un homme au service de la cause qu’il prêche et il n’est pas prêt de s’essouffler, au risque de friser la névrose, comme le paternel. Qu’importe, avec l’afrobeat, c’est une certaine idée de la dignité qui continue à se déployer sur tout un continent au bien au-delà. Le « underground spiritual game » continue, il vous prend par les pieds puis s’empare de tout votre corps et vous met rapidement dans une transe furieuse… Sept titres d’un charisme phénoménal, à prendre en pleine face si vous allez le voir en concert cet été. Feet don’t fail me now ! (jd)

Owiny Sigoma Band

‘Owiny Sigoma Band’

Brownswood 

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La première écoute ne m’avait permis qu’une approche très superficielle de ces longs tapis de musique africaine traditionnelle comportant quelques points de sonorités plutôt modernes. Pas très convaincu, je reprends le CD pour une deuxième écoute, aperçois le label « Brownswood » et concluais déjà que « ce n’est pas parce que Gilles Peterson etc. ». Et ce qui m’a tout de suite frappé, c’est le chant incisif du kenyan Joseph Nyamungu (du moins je suppose que c’est lui, vu le peu d’info dont je dispose). Pour qui ne parle pas le Luo, c’est un splendide charivari d’un aplomb et d’un sens mélodique hypnotique. Accouplée au son du byatiti (une lyre à 8 cordes) et des percussions locales atteintes parfois d’un délire métronomique proche de la house, cette musique pourrait sembler incongrue… et c’est pourtant tout le contraire qu’il se passe ! Le quatrième morceau est même assez renversant et consiste en un dub entraînant à écouter en pleine savane comme dans un club hype en début de soirée. Peu à peu, certains titres apparaissent dans leur magie dansante emmenée par ces parties vocales répétitives et des rythmes implacables confinant à la transe de brousse. Le son surprenant du byatiti n’est pas étranger à cela, de même que les quelques sons de claviers bizarroïdes ou afrobeat joués par les english de service, Jesse Hackets et/ou Damon Albran. Owiny Sigoma Band serait un peu des tradi mods du Kenya vs. des Dancers anglais qui proposent avec finesse et discrétion quelques-unes de leurs obsessions dansantes. (jd)

Cuban Heels

‘Gritbag Gutbucket Music Vol. 2’

Coolbuzz

Voilà un groupe hollandais qui a beaucoup, beaucoup écouté les premiers Black Keys ! C’est en se prenant leur pied qu’ils nous servent des riffs aussi lourds qu’élémentaires portés par une batterie très en avant. Sans oublier la palette de sons de guitares qui sentent bon les amplis à la lampe, les pédales vintage et la réverb’. La voix râpeuse et puissante de Jan Hidding est tout aussi saturée par un micro légèrement saboté, son ton de voix est assez confondant. Par contre Cuban Heels ne se prive pas des services précieux d’un bassiste qui apporte un son plus ample ainsi qu’une belle charpente à son édifice blues garage. De même, ils ont eu 1000 fois raison de recourir à l’harmonica de Richard Koster qui dégouline du premier au dernier morceau avec beaucoup de panache. On a beau avoir déjà entendu tout cela, Cuban Heels possède une touche blues marquante… sans doute un côté soul assez brut. Et comme le blues appartient à tout le monde, il n’y avait aucune raison qu’ils ne lui donnent pas le change, pour leur plaisir et le nôtre : 11 titres excellents dont une reprise du traditionnel ‘Rosie’ au tempo implacable et une autre, incendiaire, d’un standard de la soul d’Eddie Floyd, ‘Big Bird’ (jd)

Les sept vies du Poly-Rythmo

Après un vigoureux concert à l’Espace Senghor, il était urgent de rencontrer le Tout-Puissant Orchestre

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Poly-Rythmo de Cotonou. Non seulement pour célébrer sa première véritable tournée européenne mais aussi pour lui rendre justice. Du haut de ses quarante ans d’existence, il a fait preuve d’une audace musicale peu commune explorant aussi bien ses traditions béninoises que les sons venus d’occident. Il en résulte une diversité fascinante aujourd’hui revisitée dans leur nouvel album. C’est avec Melome Clément, le fondateur et « le chef d’orchestre » de ce groupe mythique, que nous avons la chance de nous entretenir.

Que ressentez-vous quand vous voyez que le groupe que vous avez fondé il y a plus de 40 ans, renaît de ses cendres ?

Melome : « Nous en sommes vraiment très très heureux ! J’ai commencé le groupe à la fin des années 60 avec un groupe qui s’appelait le Poly Disco. Notre style a évolué en fonction des nouveaux musiciens que j’ai recruté afin d’y apporter de nouvelles couleurs musicales. Les noms ont également varié jusqu’à ce qu’on choisisse au milieu des années 70, celui qu’on connaît aujourd’hui ! »

Jusqu’il y a peu, votre groupe n’avait pas eu la possibilité de se produire en dehors de l’Afrique…

Melome : « Il semble que notre musique ne recueillait pas beaucoup l’intérêt de la part des pays Occidentaux, notamment parce que, jusqu’au début des années 90, notre pays était communiste. Puis en 2007, Elodie (Elodie Maillot l’actuelle manageuse du groupe) a assisté à un de nos concerts au Bénin. Elle a été très enthousiasmée par ce qu’elle a entendu, d’autant plus qu’elle ignorait que le groupe était encore actif ! Même si nous jouions nettement moins à cette époque, on avait toujours la volonté de monter sur scène, même en Europe si possible. C’est ainsi qu’après l’interview qu’elle a faite avec nous, on lui a demandé si elle pouvait réaliser notre rêve qui était de pouvoir jouer en Europe. Depuis lors elle s’est employée à cela et nous avons joué pour la première fois en Hollande en 2009. »

 

Actuellement vous tournez beaucoup, comment se passe l’accueil du public européen ?

Melome : « L’accueil est très bon. Cela nous fait extrêmement plaisir car on réalise un de nos rêves de cette façon et ça montre qu’on a eu raison de continuer envers et contre tout. Après avoir traversé l’Afrique dans tous les sens en jouant notamment en Côté d’Ivoire, au Ghana, au Nigéria et après avoir traversé beaucoup de déboires, l’Europe était un passage obligé et elle nous le rend bien ! »

En parlant du Nigeria, il semble que vous ayez joué avec Fela ?

Melome : « En fait c’était lors d’un festival qui avait lieu chez nous au Bénin. Il voulait avoir le meilleur groupe du pays pour ouvrir son concert, comme cela se fait habituellement. Et c’est nous qui avons été choisis. Même si nous n’avons pas jammé avec lui directement, c’était une expérience fantastique ! »

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Pourtant dans une interview qu’on peut entendre sur le CD ‘Echos Hypnotiques’ du label Analog Africa, on entend qu’il a voulu vous dissuader de gagner un concours musical auquel il participait aussi en vous envoyant ses gardes du corps afin de vous intimider vertement…

Melome : « Oui c’est vrai… (silence). Mais les choses se sont arrangées par la suite et nous avons sympathisé. Pour nous, il reste quelqu’un qui a ouvert un chemin musical important : avant lui, on faisait d’autres choses « afro » mais pas encore de « l’afrobeat ». Quand on en a entendu, ça nous a influencés, surtout Vincent qui a très bien fait ressortir cette musique dans ses compositions. Les gens devenaient fous quand on les jouait ! C’est une musique qui reste… on a même joué avec son fils, Seun, lors d’un festival ! »

Le nouvel album ‘Cotonou Club’ comporte principalement des chansons de votre répertoire que vous avez réadapté et assez peu de nouvelles compositions.

Melome : «  Oui, on a discuté de cela avec Elodie et on a d’abord trouvé nécessaire de redonner un son plus actuel à notre répertoire et puis ensuite, proposer un peu de nouveauté. »

Justement, votre répertoire est immense. Ça ne devait pas être évident de choisir…
Melome :
« Là aussi Elodie nous a fait quelques suggestions intéressantes. Également en tant que chef d’orchestre du groupe, j’ai fait les miennes et c’est allé assez vite. »

À l’heure où le coupé-décalé règne en maître sur les musiques africaines, quel est l’impact de votre musique sur les jeunes du Bénin et d’ailleurs ?

Melome : « Tous les jeunes de notre pays ont grandi avec nos chansons, depuis toujours. Elles font partie de leur culture en quelque sorte. Puis certains d’entre eux les chantent aussi ou bien s’en servent pour leur rap. On a joué avec un rappeur lors d’un de nos concerts à domicile, au Bénin. »

Aux côtés d’Angélique Kidjo et de Fatoumata Diawara, les Franz Ferdinand sont aussi parmi les intervenants sur le disque. Je me demandais ce qui avait pu réunir un groupe africain de votre stature avec des musiciens anglais qui peuvent vous paraître quelque peu… brouillons et dilettantes ?

Melome : « C’est suite à une interview qu’Elodie avait faite pour sa radio que l’idée de jouer avec eux est venue. Ils étaient très fans de notre groupe depuis des années et surtout du funk qui émane de nos morceaux. Du coup, on s’est dit « pourquoi pas ». On a commencé à jouer ensemble ce qui a été plutôt inspirant et a débouché sur le titre ‘Lion Is Burning’. »

Parmi les musiciens qui jouent sur le disque, on note deux guitaristes. Or lors du concert à l’Espace Senghor, il n’y en avait qu’un…

Melome : « Exact. C’est d’ailleurs un tout autre guitariste qui les a remplacés ! Les deux autres ont été punis. L'un n’a pas voulu nous accompagner pour nos concerts au Brésil car il ne voulait pas prendre l'avion ; et l'autre ne venait pas toujours aux répétitions. Du coup on a dû faire sans eux. Cela a permis de révéler une très belle complémentarité entre le claviériste et l’autre guitariste. Ils prennent alternativement la rythmique ou les solos et ça fonctionne parfaitement ! »

Quand on parle du Poly-Rythmo, on dit qu’il peut tout jouer, afrobeat, funk et aussi du vaudou. Pour les Occidentaux, il y a évidemment un côté un mystérieux et attirant dans ce vaudou. En quoi consiste ce fameux ‘Vodoun Effect’ qui se trouve dans votre musique ?

Melome : « Le vaudou fait partie intégrante de notre culture, ce sont nos dieux sans qui rien ne peut se faire. Dans les cérémonies religieuses, on trouve toute une série de rythmes qui sont utilisés pour tel ou tel type d’événement. Nous, en tant que musiciens, on les a intégrés dans notre musique depuis nos débuts. Mais attention, on ne peut pas faire cela n’importe comment. Il faut demander la permission pour les utiliser dans un usage profane. Ainsi on a par exemple le sato qui est à la fois un tambour et un rythme. On l’entend très bien sur un titre comme ‘Gan Tche Kpo’ (cf. album ‘Echos Hypnotiques’). »

Dans le livret de votre nouvel album, il y a cette phrase de votre chanteur Vincent Ahehehinnou : « Le vaudou est l’avenir de l’humanité parce qu’il suffit de demander et tout arrive ».

Melome : « Dans le groupe, il y en a certains qui pratiquent le vaudou en effet. Moi personnellement, j’ai lâché le vaudou. J’ai vu que parfois il était vraiment utilisé à mauvais escient, je pense notamment à la mort de Papillon, notre ancien lead guitariste. Et je me suis tourné vers le christianisme. Mais dans notre groupe chacun est libre de pratiquer ce qu’il a choisi. Par contre c’est sans doute quelque chose qui fait que notre musique est unique en Afrique et partout ailleurs. »

Le vaudou est aussi très présent en Haïti évidemment. Est-ce que vous aimeriez découvrir cette musique et collaborer avec des musiciens qui en sont originaires ? Cela pourrait donner un mélange épatant !

Melome : « Oui c’est sûr. En tout cas, si on nous le propose, on le fait tout de suite ! »

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Sur la pochette de l’album ‘Vodoun Effect’ il y a cette fameuse photo où l’on vous voit dans une position très martiale…

Melome : « Oui c’est exactement ça ! C’était à un moment où l’on tournait énormément en Afrique de l’Ouest et où on empruntait parfois des routes peu sûres. On pouvait facilement se faire détrousser et surtout déposséder de notre matériel qu’il n’était déjà pas évident de se procurer. Du coup la gendarmerie nous a entraîné à toutes sortes de techniques d’art martiaux pour pouvoir nous protéger ! Samy (du label Analog Africa) l’a trouvé parfaite pour la pochette de sa compilation. »

Ce qui également est passionnant avec votre groupe, c’est qu’il est un témoin privilégié de l’histoire de votre pays, de la révolution marxiste à l’avènement du libéralisme débridé…

Melome : « La révolution a été un tournant dans l’histoire du groupe. Mais il est clair qu’on n’a pas eu le choix et qu’on a été forcés de chanter pour le régime. On est dès lors devenu l’Orchestre national. On nous avait même demandé de composer l’hymne national du pays puis finalement la chanson n’a pas été retenue. Il faut se souvenir que c’était une dictature pure et simple. Pour un groupe connu comme nous, s’y opposer voulait dire la mort. D’un autre côté, ce régime semblait le seul apte à pouvoir durer et apporter une certaine stabilité après les coups d'état à répétition. »

Quel regard portez-vous sur les titres composés à la gloire du régime ?

Melome : « Bon, les paroles ne sont sûrement plus très pertinentes… Mais il faut les garder car les mélodies doivent rester ! Nous allons donc simplement changer les paroles ! »

Quels sont les projets musicaux du groupe ?
Melome :
« Un nouvel album à venir car aujourd'hui, pour pouvoir faire des concerts, il faut avoir du neuf à proposer ! »

Trois disques : ‘Cotonou Club’ Strut, ‘Echos Hypnotiques’ Analog Africa, ‘The Kings of Benin Urban Groove 1972-80’ Soundway

Sur scène à Dour le 14-07-2011



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