Ce très beau texte est magnifiquement illustré par Hélène Rajcak
Parler de la vieillesse, de la sénilité et de l'amour filial n'est pas chose aisée. Ce sont ces trois thèmes principaux que le narrateur de "Ce que le temps a fait de nous" évoque dans ce court roman. Cet homme, d'une cinquantaine d'année, recueille sa vieille mère chez lui. Sénile, elle vit dans un monde à part, collectionne les rubans et les boutons, ne se souvient pas du prénom de son fils qu'elle appelle désormais "mon fils". Fils unique, l'homme s'invente une soeur imaginaire. Il n'est, semble-t-il, toujours pas vraiment sorti de l'enfance, cette soeur, si elle existait, l'aiderait bien à surmonter les épreuves causées par sa mère. Il ne se plaint pas, fait contre mauvaise fortune bon coeur, joue avec sa mère comme l'on joue avec une petite fille, puisque la sénilité la fait retomber en enfance.
"Je devine la petite fille en elle, qui retient son éclat de rire, se contente d’un sourire éclatant ; je perçois l’adolescente, rayonnante mais réservée ; je vois la vieille dame, heureuse, apaisée, mais secrète. Toutes ces femmes en elle… sauf celle que j’ai connue, moi, enfant, adolescent. Celle-là aussi s’est perdue en chemin, et j’en suis tout désorienté. Maman, ma maman, mais où es-tu passée ?"
Il s'échappe parfois, il a des rendez-vous avec une femme de son âge, mais une femme mariée. Elle le comprend, il se retrouvent aussi souvent qu'ils le peuvent, se consolent.
Isabelle Minière signe ici un texte très habile : avec de telles thématiques, elle arrive à na jamais tomber dans le pathos ou le misérabilisme. Au contraire, il s'agit d'une belle histoire. Les souvenirs de cet homme pallie les défauts de mémoire de sa mère. L'ensemble est réussi, touchant et émouvant.