LA BALLADE DE L’IMPOSSIBLE – NORVEGIAN WOOD (Noruwei No More) de Tran Anh Hung

Fin des années 60, le trio nippon que forment Naoko (Rinko Kikuchi, Babel, Carte des sons de Tokyo), Watanabe (Kenichi Matsuyama) et Kizuki est brutalement réduit en miettes suite au suicide de ce dernier. S’ensuit, dans cette adaptation du roman éponyme d’Haruki Murakami, une longue et lente élégie sur l’impossible deuil à faire, sur l’abandon inévitable des idéaux adolescents et d’une innocence saccagée. Pire: c’est à un adieu, définitif et brutal, à l’âme sœur auquel ils se voient confrontés. Tran Anh Hung (A la Verticale de l’été, L’Odeur de la Papaye verte) esthétise à fond le propos: la nature est là, omniprésente, témoin des horreurs et du passage du temps, le charnel devient le seul rappel des vivants pour célébrer la vie, contrer la mort, s’opposer aux corps froids et enterrés des défunts. Visuellement, c’est sublime. Le cinéaste accumule les tableaux d’une beauté époustouflante, usant et abusant de magnifiques cadrages, et d’une photographie soignée, que l’on contemple, admiratifs, pris dans les filets d’une mise en scène languissante.
Autrement, sans cette puissance évocatrice de l’image, poème funèbre d’une intensité glacée, le film n’aurait été que torture auteuriste et juxtaposition de scènes poussives. Des protagonistes qui hurlent leur peine, un filet de bave dégoulinant des lèvres, au cœur d’une forêt, des dialogues-calvaires qui s’étirent et tournent en rond, des morts en pagaille pour appuyer grossièrement la réflexion sur le deuil : le film n’y va pas de main morte et sert une soupe déprimante où- sans pudeur ni vergogne- les violons rythment les larmes et la souffrance prend la pose.