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donc une ligne droite
sculptée dans du bois d’angles
me plaisait davantage qu’une
volute creusée dans une arête
ce qui revient à dire :
un poème one poem
:
qui s’écrirait tout le temps
y compris, c’est connu, dans les nœuds du sommeil
ce rêve-là
d’une suite sans fin, fugue
le O de la surprise ouvert et aplati, devenant ligne
errante – ou orbite
station à n dimensions
toile d’araignée constructiviste dans la tour
je n’ai pas vu la maison de Dylan Thomas
au bord de la mer
l’appentis qu’il avait à Laugharne
– pourquoi ce bois lacté de poètes de langue anglaise ?
moi qui viens d’Allemagne en Saône
– à cause de la mer je te dis
oui – ils l’ont tous au cœur, leur langue a toujours
assez près d’elle un goût d’écume, celui
que Conrad buvait avec une paille –
peut-être, mais me tient la coulée, l’en allé
de fleuves doux, pleins de saules
et la Loire que je vois chaque semaine
sous le nouveau pont de Blois
roulant une lumière qui se creuse
Goethe a écrit dans un poème singulier
« Amérique ton sort est meilleur
(...)tu n’es pas troublé(…) par d’inutiles souvenirs »
et ce qu’il visait là, lui, si ancien, si porté au drapé
chacun le sait maintenant
dans la vieille Europe
mais ce sort, nous ne pouvons pas l’envier
plongés comme nous le sommes
dans ce qui nous sauve
soit cette pente où l’évasion
(le coup de dés)
inscrit sa loterie – et telle est ma tour
que je reprends, mais pour produire un écart
en la plantant ici
au droit de la feuille blanche
telle celle, dorée, d’une célèbre bouteille de vin
trop chère pour pouvoir être bue
et surmontée d’un lion mal fichu, à tête humaine
Château !
revenait donc de l’ancien temps
la nouveauté
assise sur un char fleuri de comice agricole
tiré par un tracteur sous les tilleuls
dans quelque coin d’enfance
- vomi rose de ma sœur qui m’effraya
ayant bu trop de limonade
- mon cher Goethe les inutiles souvenirs
en Amérique aussi ils les ont maintenant
tout revient l’appui de la montagne s’évapore
la traîne du ciel est identique
sur le maïs où elle se pose
Jean-Christophe Bailly, Basse continue, Seuil, 2000, p. 40 à 42 (Voir cette photo, mise en page de la dernière page du poème, avec reproduction de la tour)
Jean-Christophe Bailly dans Poezibao :
Bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, notes sur la création
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