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Justice américaine

Publié le 19 mai 2011 par Artemisia72

Comme tout le monde, j'ai été sidérée d'apprendre l'arrestation de DSK, pour une sordide, et surtout stupide affaire de moeurs.

Je ne veux pas me prononcer sur la réalité des faits qui lui sont reprochés - je n'y étais pas - mais simplement me livrer à quelques réflexions sur le droit, la justice, les médias...

  1. Les médias américains ont-ils tort de montrer DSK menotté, mal rasé, hagard ? "Mise à mort médiatique", a dit M. Badinter, à juste titre. Et pourtant... Cela ne finira-t-il pas par se retourner en faveur de l'accusé, et contre sa victime ? Car enfin, quelles images voyons-nous en boucle depuis près d'une semaine ? Celle d'un homme épuisé, abattu, humilié par des policiers, traqué par des armées de caméras... Le résultat le plus probant, c'est qu'il y a dans cette affaire une victime évidente, proche, familière, avec qui l'on ne peut qu'éprouver de l'empathie : le prisonnier. Et une autre victime, vraie ou fausse, mais dont on ne connaît ni le nom, ni le visage, ni la voix ; dont les accusations, abstraites, ne sont dévoilées que par le personnage le plus antipathique qui soit : un procureur. Une victime abstraite, en somme... Et il faut vraiment faire un effort, se souvenir de ses principes féministes, pour considérer que c'est elle qu'il faut plaindre !...
  2. Une jeune femme de toutes façons victime... Qu'elle ait été réellement violée, qu'elle ait affabulé, ou qu'elle ait été poussée (par quel chantage ?) ) à participer à un complot, on ne peut que trembler pour elle. Pour le moment, certes, la parole a été à l'accusation, dans ce système accusatoire américain qui nous semble, à nous Français, si étrange. Mais que se passera-t-il, quand ce sera au tour de la défense, deux redoutables avocats, de sortir ses armes ? Quand sa vie privée, son passé, son état de santé, ses finances seront décortiqués, étalés sur la place publique ? Quand les pires rumeurs circuleront sur son compte ? Ne laisse-t-on pas entendre, déjà, qu'elle est séro-positive, voire sidéenne ? Que pourra-t-elle opposer à cela ? Finira-t-elle par craquer, par accepter de se déjuger moyennant finance, ou pour échapper aux pressions ? Se relèvera-t-elle de cette violence ?
  3. Un système inégalitaire, qui ne laisse aucune chance aux faibles. Si l'on comprend bien, le procureur, aux USA, instruit uniquement à charge ; c'est aux avocats de la défense d'enquêter à décharge. Ils utilisent pour cela les services - excellents, mais très chers - de détectives privés aux méthodes redoutables. On comprend immédiatement qu'un pauvre, accusé, n'a aucune chance d'échapper à une condamnation, qu'il soit coupable ou non : comment pourrait-il se payer un ténor du barreau ? Comment pourrait-il rémunérer un détective privé ? Inversement, quand le pauvre se fait accusateur, comme c'est le cas ici, comment pourrait-il résister au rouleau compresseur d'une défense dont toute la stratégie consistera moins à établir la vérité qu'à renverser un rapport de force, à détruire un adversaire ?
  4. Cela prouve à l'évidence qu'un "système à l'américaine" serait catastrophique pour la justice. C'était pourtant vers ce à quoi tendrait la réforme de la justice, la suppression du juge d'instruction - qui instruit, lui, à charge et à décharge - l'instauration de jurys populaires un peu partout, sur le modèle du "grand jury" américain... Nous voyons ici clairement les limites d'un tel système. Il faut une justice impartiale, et surtout égalitaire !

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