Magazine Culture
Un film critique sur le Président en exercice ? Une bombe dans le cinéma français ? Une première internationale en matière d’audace et de culot ? Oui, on y a cru. Au final, Xavier Durringer (Chok Dee, J’irai au paradis car l’enfer est ici) livre une belle déception sur un plateau: on y parle bien de la campagne présidentielle de Sarkozy, de sa rupture avec Cécilia, des relations tendues qu’il entretenait avec Villepin (Samuel Labarthe) et Chirac (Bernard Le Coq), mais on ne nous dit jamais rien de plus que ce que l’on savait déjà. L’affaire Clearstream, les émeutes des banlieues, la stratégie médiatique et le ratissage politique du Président (côté FN et PS) : on a déjà tout vu au journal de 20H, comme des grands. La Conquête n’est rien d’autre qu’une belle arnaque sage, tiède et sans courage déguisée en film de cinéma. Rien d’autre qu’un catalogue illustratif et sans imagination (l’idée vue et revue des flashbacks) de faits connus. Rien d’autre qu’un regard, au mieux neutre, au pire bovin, posé sur un personnage- jamais sur l’homme, malgré des tentatives ratées de caresser l’intime de sa relation foirée avec son épouse. Rien d’autre vraiment ? Si, peut-être, si l’on creuse bien, La Conquête c’est aussi une propagande puante et détournée pour Sarkozy.
Parce qu’à force de tourner en ridicule son entourage (une Ségolène Royal moquée par Besnehard, son ancien conseiller, un Villepin caricaturé en lèche-cul arriviste, une armada de Sarko chiens au service du Président), Sarkozy brille parmi les ratés, lui, bête noire du gouvernement, ambitieuse mais déterminée, se battant pour son rêve, perdant la femme de sa vie en route vers la gloire. Durringer signe une œuvre profondément hypocrite, d’une fausse neutralité, correcte en tous points et pas inventive (fond et forme confondus) pour un sou. On se soulagera deux minutes (et encore) avec l’interprétation étonnante d’un Denis Podalydès habité, mais sans pourtant parvenir à gommer l’arrière goût amer d’une complète mascarade où Durringer et Patrick Rotman (le scénariste)ont (sincèrement ?) cru qu’ils toucheraient, en faisant dire merde, con et chier à Chirac, le comble du subversif. On en rigole encore. Ou pas.