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La Ruche d’Hellstrom

Par Ledinobleu

Couverture d'une édition de poche du roman La Ruche d'HellstromHellstrom est un spécialiste réputé des insectes et en particulier des fourmis et des termites. Il a installé ses laboratoires dans une vallée perdue de l’Oregon.

Mais quel est son véritable projet, le fameux et mystérieux Projet 40 ? Trois hommes de l’Agence, le plus puissant des services secrets américains, parfaitement équipés et entraînés, ont disparu en se contentant d’observer la Vallée.

Comme s’ils avaient été avalés par la terre, par cette monstrueuse termitière humaine souterraine qui est l’avenir qu’une secte pluriséculaire a promis à l’humanité.

Hellstrom n’est qu’une façade.

La littérature de science-fiction permet souvent de curieux exercices. Parmi ceux-ci, on peut citer la réflexion politique comme c’est le cas ici. En particulier, on peut établir un parallèle très net entre La Ruche d’Hellstrom et le célèbre dialogue de Platon intitulé La République : ce discours, en effet, présente comme particularité d’avoir autant influencé la démocratie que le fascisme au sens large, et notamment en faisant l’apologie du positionnement optimal de chacun au sein d’un système qui dépasse les intérêts individuels. Notons au passage que le communisme pourrait très bien s’en inspirer lui aussi et le tour d’horizon sera complet, tout aussi paradoxal qu’il en a l’air. D’un certain point de vue, en fait, La République glorifie l’esprit de ruche – faute d’un meilleur terme – qui caractérise toutes les sociétés où l’individu disparaît face aux intérêts du groupe.

Toute la différence entre Platon et Frank Herbert, du moins dans le cas qui nous occupe, tient dans ce que 2 000 ans de progrès technique séparent ces deux auteurs, de sorte que le premier ne pouvait imaginer ce qui s’avère assez évident pour le second. Pourtant, si le rôle que jouent les technologies dans les propagandes des états totalitaires restent bien connues (1), Herbert a néanmoins choisi de faire l’emphase sur un autre système – un choix d’autant plus judicieux qu’au stade où se trouve la Ruche dans ce récit, la propagande ne présente plus aucun intérêt puisque les citoyens ne peuvent plus se rebeller de toutes manières… Les habitués de son chef-d’œuvre, je parle bien sûr de la série de Dune (1965-1985), s’étonneront peu de voir ici une autre itération de la sélection génétique (2).

C’est ce qui inquiète et rassure en même temps. Inquiète car cette technique se trouve à la portée de tous, à très peu de frais et avec un niveau technologique plus symbolique que réduit ; mais rassure car le laps de temps sur lequel un tel processus doit s’étendre le rend très long et d’autant plus difficile à concrétiser. En fait, c’est sa simplicité qui nous en protège : quiconque voudra s’y essayer ne verra jamais le fruit de ses efforts, de sorte que seule la folie sectaire quasi-religieuse pourra inspirer une telle expérimentation. Hélas, force est de constater que notre époque reste propice à l’éclosion de tels mouvements même s’ils semblent connaître un certain recul, ou du moins se cantonnent à une échelle assez réduite.

Reste une autre technique, bien plus récente et redoutable mais encore fort mal connue et assez difficile à maîtriser en raison de sa complexité inhérente : la manipulation du génome. Et si les lois internationales, fort heureusement dans ce cas précis, nous protègent de son utilisation sur des êtres humains, les folies sectaires déjà évoquées, elles, n’en ont cure. Par définition.

En fin de compte, près de 40 ans après sa publication, cet ouvrage reste encore tout à fait dans l’air du temps – sous bien des aspects, à vrai dire, il devient même un peu plus crédible à chaque jour…

(1) mais un peu moins dans les autres bien que ceux-ci en soient à peu près autant coutumiers même s’ils parlent plus volontiers d’« influence idéologique », ce qui au fond revient au même : les deux, en effet, résultent en une manipulation des masses – on peut citer en particulier ce droit que se donne notre république de faire apprendre aux enfants que la démocratie est le meilleur système au monde : un tel conditionnement s’avère vite très difficile à surmonter.

(2) quoique poussée dans un extrême sans aucune mesure avec celle qui mena à l’individu unique qu’est le Kwisatz Haderach puisque dans La Ruche d’Hellstrom une société entière se voit marquée par l’abomination de la sélection génétique.

Récompense :

Prix Apollo, sans catégorie, en 1978.

Note :

Les connaisseurs auront remarqué que le visuel de couverture retenu pour ce billet n’est pas celui de l’édition chroniquée ; disons pour simplifier que celui de cette ancienne édition me semblait plus… à propos  ^^

La Ruche d’Hellstrom (Hellstrom’s hive, 1973), Frank Herbert
Le Livre de Poche, collection SF n° 7264, juin 2004
480 pages, env. 8 €, ISBN : 2-253-10922-3

- la préface de Gérard Klein
- d’autres avis : nooSFère, Krinein, NicK’s Paradise Lost


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