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Quel avenir pour les métiers du son ?

Publié le 13 avril 2011 par Jeanne Walton

Deux débats agitent actuellement le milieu du design sonore comme du design musical.

Il y a ceux qui s’inquiètent du manque de débouchés réels des métiers du son et ceux qui s’inquiètent de voir que n’importe qui semble désormais vouloir vendre du son et de la musique aux marques. Tous partagent le sentiment qu’un effort important doit être fait en matière de formation, tous s’interrogent sur ce qui a de l’avenir et créé en fin de compte de la valeur ajoutée pour ceux qui font appel à ce genre d’expertises.

Former. Lorsque l’école des Beaux-Arts du Mans propose un tout nouveau et tout premier master en France dédié au design sonore, avec pour corps professoral certains des meilleurs spécialistes du son appliqué à l’objet, tout le monde se dit que c’est formidable tant le domaine manque d’outils sérieux de formation. Beaucoup se réjouissent du réel intérêt des jeunes pour cette discipline et de la professionnalisation d’un métier dont on parle de plus en plus.

Trier. Ces dernières années l’ont prouvé : le son est apparemment une matière à la portée de tous et de n’importe qui. Il y a des logiciels et des outils très simples d’accès pour concevoir et produire du son. N’importe qui peut s’y mettre par intérêt, par envie ou par passion. N’importe qui pour souvent faire n’importe quoi. Cette vulgarisation s’est surement faite au profit de trop de monde. Ceux qui peuvent manier cette matière consciemment avec talent dans une démarche experte au service des marques sont peu nombreux. Il s’agit de professionnels ayant une vision pertinente, un parcours expérimenté et un savoir savoir-faire mis en œuvre avec intelligence et en complémentarité des autres expertises qui font la marque ou l’objet. Les métiers du son sont multiples mais ils sont menacés par deux phénomènes évidents : le nivellement par le bas introduit par de nouveaux acteurs sans valeur ajoutée d’une part, la volonté de grands acteurs du design ou de la communication de se doter à moindre coût de départements son dont l’objectif est avant tout de fertiliser les clients. Au bout du compte, ces deux menaces concourent à un appauvrissement tant financier que productif de la discipline. Ces formations, aussi indispensables soient-elles, doivent se préoccuper des débouchés.

Alors quels sont-ils ?

La création sonore dans le cinéma, dans les jeux vidéo et à la télévision ne ralentit pas. Le secteur du divertissement a toujours été particulièrement gourmand en habillage musical. L’emploi y est constant et la profession reste plutôt accessible faisant essentiellement appel au talent de musicien. Pourtant, l’accompagnement sonore des marques, même si les acteurs se font plus nombreux aujourd’hui, nécessite une expertise tellement complexe, que rares sont ceux qui prospèrent et qui peuvent justifier d’un réel savoir-faire et d’une utilité avérée. La création d’une musique de marque ne tombe pas sous le sens. Tout aussi puissante et évocatrice que l’univers graphique, l’identité sonore d’une marque doit être le résultat d’un travail sur-mesure et approfondi nécessitant de solides compétences stratégiques et musicales que très peu de gens partagent. Expérience, expertise et passion sont les éléments intrinsèques d’un travail de qualité qui ne se transmettent pas aisément.

Savoir choisir. Or, la crise a poussé des professionnels de la musique ou du design à élargir leurs activités au design musical, sans avoir ni vision ni savoir-faire. Les quelques structures sons, développées par de grands groupes publicitaires ont un mal fou à faire la démonstration de leur véritable expertise dans ces disciplines. L’un des exemples les plus prometteurs, la filiale Else chez TBWA, semblent nettement s’essouffler depuis la fin de l’année dernière. Ces effectifs ont baissé et son fondateur a été écarté au profit… d’un ancien directeur financier ! Les labels musicaux ont aussi développé une offre aux entreprises afin de contrecarrer la crise de l’industrie du disque mais cette approche du design musical n’est pas sans danger pour les marques. Utiliser la chanson d’un artiste pour renforcer un univers corporate n’est pas dans l’intérêt de tous. Seules les enseignes à très fortes personnalités peuvent se le permettre à l’occasion, au risque de voir l’univers de l’artiste empiéter sur celui de la marque et de le détruire. Les cas d’échec ne manquent pas à ce sujet. Les artistes pour la plupart, sont déjà des marques à part entière. Ils véhiculent des valeurs, une image, ils racontent déjà quelques choses. Ils ont leur propre ADN et n’ont souvent que faire de celui de l’entreprise qui achète leurs droits. Par ailleurs, utiliser l’aura d’un artiste peut être également vécu comme un manque visible d’identité par le consommateur.

Entre le désir des consommateurs de voir leur espace sonore respecté et manipulé avec plus de précautions et de bonheur, entre celui des marques de créer un dialogue sensible avec le public, l’avenir des métiers du son semblait assuré. Il reste aux entreprises la responsabilité de concrétiser cet idéal sonore en collaborant avec les bons prestataires et en leur donnant les moyens de travailler. De l’autre côté, le challenge des années à venir pour les professionnels du son et du design comme pour les entreprises sera d’assainir notre quotidien sonore sans perdre en messages. Il faudra rapidement se débarrasser de ceux dont les offres sont inutiles, parasites ou trompeuses, pour laisser la place à de vrais professionnels et pourquoi pas, à des jeunes, bien formés, bien intentionnés.

Au cœur de cet enjeu, le besoin d’un certain discernement dont: l’alliance raisonnée entre des experts «vraiment experts» et la clairvoyance des marques pour agir à hauteur de leur ambition.


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