Dans les champs de l'observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés. (Louis Pasteur)Archimède, avec son fameux "Eurêka", est l'exemple-type du personnage éclairé par l'observation d'un fait anodin. De nombreuses découvertes sont issues d'une telle observation, par un rapprochement d'idées avec un problème rencontré au préalable. C'est ce qu'on appelle la sérendipité, mot difficile à prononcer et assez peu courant malgré l'importance du phénomène qu'il désigne.
Pour autant, la sérendipité semble être aléatoire par essence. Dans quelle mesure peut-elle être utile ?
Hasard et intelligence
La sérendipité n'est pas simplement le fait de trouver quelque chose d'utile par hasard. Ça, c'est plutôt la chance. Pour qu'on puisse parler de sérendipité, il faut, selon Robert Merton (sociologue des sciences) :
- que la découverte soit non anticipée : on trouve quelque chose qu'on ne cherchait pas ;
- que la découverte soit anormale : elle doit surprendre, ne pas correspondre à quelque chose de prévisible ou de connu ;
- et que la découverte soit stratégique : elle doit avoir une utilité pour le découvreur ou son entourage.
Le chercheur ne cherchait pas à trouver de nouveaux rayons au départ : la découverte n'est pas anticipée. Personne ne s'attendait à l'existence de ces rayons : c'est un phénomène anormal. Enfin, Röntgen va rapidement s'apercevoir qu'on peut utiliser ces rayons X pour faire de la radiographie. Il s'agit bien d'un cas de sérendipité.
L'aspect stratégique est important : une observation fortuite d'un fait étonnant mais non exploité n'est qu'une anecdote. L'exploiter requiert généralement de l'intelligence, et en particulier une capacité à faire le lien entre l'observation et un domaine d'application.
Favoriser la sérendipité
Ainsi, la sérendipité repose sur l'intelligence autant que sur le hasard. On ne peut peut-être pas contrôler le hasard, mais on peut au moins augmenter ses chances d'aboutir à une sérendipité :
- soit en jouant sur le hasard lui-même :
- en sortant des situations connues : c'est la démarche de l'expérimentateur,
- en s'ouvrant à des interlocuteurs nouveaux et différents de ceux que l'on côtoie quotidiennement : c'est l'enrichissement culturel,
- ou encore en observant le monde qui nous entoure ;
- soit en jouant sur l'intelligence :
- en s'interrogeant dès qu'on observe quelque chose d'étonnant,
- ou en échangeant sur ses observations étonnantes.
Il faudra attendre Pasteur pour en faire une découverte majeure.
Il est donc possible de favoriser la sérendipité par une attitude d'ouverture générale au monde.
Médiation technique et sérendipité
La médiation technique invite son client à augmenter ses chances de trouver la solution à son problème technique en l'invitant à sortir de son secteur d'activité. Toutefois, il ne s'agit pas à proprement parler de sérendipité, car on vise à trouver la solution à un problème technique bien identifié, et la découverte est donc anticipée. Il s'agit donc, d'après la nomenclature de Pek van Andel et Danièle Boursier dans leur ouvrage De la sérendipité :
- soit de pseudo-sérendipité : on trouve ce que l'on cherche, mais par une voie imprévue ;
- soit de non-sérendipité : on trouve ce que l'on cherche sans que la sérendipité intervienne.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 05 juin à 14:26
Bonjour, J'aimerais signaler à ce propos la parution d'un livre qui peut vous intéresser. Louis de Mailly, Les aventures des trois princes de Serendip, suivi de "Voyage en sérendipité" par D. Goy-Blanquet, M-A. Paveau, A. Volpilhac. éditions Thierry Marchaisse, prix TTC: 18€;date de parution: 19 mai 2011 http://www.editions-marchaisse.fr Voici une brève présentation: Les aventures des trois princes de Serendip contées par le chevalier de Mailly ont été publiées originellement en 1719. Ces contes reprennent en partie une édition italienne de 1557 qui est elle-même une adaptation de contes anciens orientaux, l'une des sources principales étant Les huit paradis (Hasht Bihist) du grand poète indien Amir Khusrau, datant de 1302. Louis de Mailly présente ses contes comme s'il s'agissait d'une traduction. En réalité, très rapidement, le traducteur devient auteur, et la couleur orientale s’estompe peu à peu pour laisser place à une tonalité tout « occidentale » où les aventures galantes se multiplient comme autant d’illustrations des effets de la passion, de la constance et de l’inconstance. La présente édition reprend le texte original dans une présentation modernisée et annotée. Dans une deuxième partie, intitulée "Voyage en sérendipité", on trouvera l'histoire des contes, la généalogie du terme "serendipity" et une réflexion sur les rapports entre recherche, créativité, mondes numériques et sérendipité. Ce sont ces contes qui ont donné lieu à la création, en 1754, par l'écrivain britannique Horace Walpole, du mot serendipity, dans une lettre dont l'ouvrage donne la traduction intégrale. Le passage qui se trouve à l'origine de l'idée de sérendipité est l'épisode du chameau, au début des aventures des trois princes.
Une lecture de diverstissement et de réflexion sur cette question de la sérendipité.