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Crépuscule des Dieux à Bastille: Jordan au paradis

Publié le 31 mai 2011 par Popov

Crépuscule des Dieux  à Bastille: Jordan au paradis

C'est bien un crépuscule. Celui d'une certaine conception de la mise en scène de théâtre autant que celui des Dieux. Günter Krämer partait avec un handicap. Il fait de Siegfried un héros aux petits pieds plus qu'un révolutionnaire. Ado perturbé , il rejoint adulte la théorie de fêtards qui serpente entre les tables des brasseries munichoises. Il se vautre sur sa déesse comme un macho maladroit. Quand il boit le philtre d'amour préparé par le traître Hagen il déambule bourré comme un chevalier peu teuton. Dommage car les choses partaient plutôt bien. L'arrivée , très belle, crépusculaire  des trois Nornes aux costumes élégants et puis...Mieux vaut fermer les yeux et écouter. Prima la musica, dopo la mise en scène car ce Wagner donné à Bastille est une réussite essentiellement musicale. Depuis l'Or du Rhin  le jeune Jordan a conquis l'orchestre.Il a  su le faire réagir comme un seul homme aimable et doué.Il a pris confiance au point de tenter, d'oser . C'est magnifique la complicité entre un chef et l'orchestre. Wagner ne supporterait pas la médiocrité et cette oeuvre plus que n'importe quelle autre.Les quelque cinq heures nécessaires à son interprétation font du "Crépuscule des Dieux" un des opéras les plus longs de l'histoire du genre. Le crépuscule est à Wagner ce que Le Temps Retrouvé est à Proust : l'aboutissement d'une vie de création. Vingt ans au moins pour être précis en ce qui concerne Wagner. L'aboutissement avec la maîtrise, la tension nécessaire et un jeu d'échos, de superpositions , de fluctuations et de réorganisation des fameux leitmotiv proprement vertigineuse.La direction musicale et le jeu de l'orchestre suppléent l'absence de trouvailles et d'idées d'une  mise en scène qui n'hésite pas à recourir à des noirs qui s'éternisent.Et il en faut du talent pour faire oublier le costume vert épouvantable de Gunther (extraordinaire Iain Patterson ex Fafner) ou la piètre gesticulation de Siegfried (Torsten Kerl excellent chanteur un peu court par moment et que la mise en scène entrave encore).Nicolas Joel a su réunir une distribution éclatante de grands chanteurs wagnériens Comme Hans-Peter König, basse d'exception qu'on a posé dans un fauteuil roulant. En dépit de la laideur ambiante et du peu d'originalité et de videos  plagiées grossièrement d'un Bill Viola appauvri, les solistes arrivent à se faire un chemin malgré là encore une massive structure métallique centrale(un mur de leds) qui écume les quatre coins de la scène .Sophie Koch est tout simplement grandiose dans le rôle de Waltraute. 

Le sérieux musical et les qualités dramaturgiques propres de Wagner (qu'on oublie trop souvent) suffisent à tenir le spectateur en haleine et à rendre la longueur du spectacle moins éprouvante comme à faire passer le message métaphysique de l'oeuvre sur la fin des Dieux , la mort de l'homme, la délivrance Schopenhauerienne du retour à l'inorganique,bref  de l'"épuisement de l'inquiétude".


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