Paris. Le Duc des Lombards. Samedi 21 mai 2011. 20h.
Dred Scott: piano
Ben Rubin: contrebasse
Jochen Rueckert: batterie
Well you might, une variation sur Well you needn't de Thelonious Monk. Il y a deux jours, ce trio jouait à Cannes derrière Courtney Love, la veuve de Kurt Cobain. Such a sweet girl dit d'elle Dred Scott. C'est la première fois que j'entends Courney Love qualifiée ainsi. Pourquoi pas? C'est pêchu, viril, soudé dès les premières notes. Une sorte de Blues bien funky. Ces gars là savent swinguer. Pourquoi les serveuses sont-elles si minces au Duc des Lombards? Pour pouvoir se glisser entre les tables. Je ne vois pas d'autre explication possible. Le pianiste dirige mais c'est bien à trois qu'ils cavalent joyeusement.
Dobo. Surnom de Belina, ville de Californie. Ce n'est pas le chien " Bobo " dans les Simpson nous explique Dred. C'est une ballade un peu à la Bill Evans même si Dred ne joue pas dans ce genre là. Le batteur masse avec ses balais, le bassiste caresse ses cordes, le piano distille les notes. Ca berce. Cette ville est-elle si calme que cela? Ou donne t-elle tant de nostalgie? La contrebasse hausse le ton tout en douceur. C'est doux, chatoyant comme un foulard en soie.
It's time for the hard stuff. Le batteur est toujours aux balais. C'est plus énergique mais cela reste léger, fin. Le batteur passe aux baguettes. Ca pulse un peu plus fort mais sans rien brusquer. Solo de contrebasse. Batteur aux balais. Ca swingue. Ma jambe droite bouge toute seule. Mademoiselle F apprécie elle aussi. Dred aime finir en prolongeant la note avec la pédale.
Sixty six six. 666, le chiffre de la Bête, celui du nombre de carreaux de la Pyramide du Louvre par ailleurs. Le Jazz est une musique diabolique (Devil's music), n'est ce pas? Le batteur est aux balais. Morceau vif., dynamique. Certes il y a un gros son mais ce sont là de gentils diables. Je ne vous raconte pas le show de Dred Scott pour présenter chaque morceau. Allez le voir en concert pour en profiter, sapristi! Batteur aux baguettes. Tout le monde chante avec eux, à intervalles réguliers: Sixty six, six. Morceau technique, ludique, diabolique.
Don't fear the rapture. The Rapture c'est l'Assomption de la Vierge Marie pour les catholiques. Fête le 15 août, fête patronale de la France depuis le voeu de Louis XIII (certains esprits malicieux prétendent que ce n'est pas Dieu mais le cardinal Mazarin qui aida le Roi de France à avoir un fils mais c'est une autre histoire). Pour résumer, c'est une force extérieure, irrésistible qui vous emmène au Paradis avant le Jugement dernier. C'est bien l'effet que procure ce morceau. Ca sonne comme une chanson pop américaine, de la meilleure qualité. Avec un gros son, le sens de l'espace, du rythme. Un truc qui vous emporte, vous enlève comme son titre l'indique. Ca donne envie de se lever et de danser. Les Dieux savent qu'il est rare qu'un trio de Jazz produise un tel effet de nos jours. Cela devient emporté, orageux, cyclonique. Retour au calme avant que le thème ne revienne et nous emmène à nouveau très loi, très haut. Cela me fait penser à Keith Jarrett lorsqu'il jouait derrière Charles Loyd, un enchantement. Au centre, la contrebasse creuse dans le ventre. A gauche, la batterie casse les cailloux. A droite, le piano coule comme un torrent de montagne.
Mother. Dred Scott sera père en juillet prochain. Cette chanson est extraite de l'album " The Wall " des Pink Floyd, qu'il est inutile de présenter. Jolie version. Ca change à la fois de l'original et des standards du Jazz.
Doggie and cookie dont une autre version live in concert illustre cet article. C'est une philosophie de vie. Soit vous êtes le chien qui mange le biscuit, soit le biscuit que mange le chien. Le batteur est aux maillets. C'est la chasse au cookie. Le chien a faim. Imaginez le joyeux bazar. Le batteur est repassé aux baguettes. Le Duc des Lombards a arrêté l'annonce genre embarquement dans un avion au début du concert. En français et en anglais. Avec la consigne d'applaudir comme dans les émissions de télévision avec public. C'est mieux pour l'ambiance. Autre progrès: les serveuses ne vous réclament plus de payer vos boissons pendant le concert. Solo puissant de contrebasse ponctué par un chaos enlevé de la batterie aux baguettes. Le pianiste revient dans la danse. C'est agité, tourmenté comme un chien qui a faim, prêt à tout pour manger les biscuits.
Swirling grimly. Un morceau qui tourne puissamment avec des breaks de batterie énergiques.
Mission accomplie pour le trio de Dred Scott au Duc des Lombards. Public conquis par la joie, la vitalité de cette musique. Il ne reste plus qu'à espérer qu'ils quittent le cadre clos des clubs parisiens pour s'ébrouer au grand air des festivals de Jazz en France de Bretagne en Provence.