"Expéditions dans les mers du sud" de Danielle CLODE retrace 40 ans d'expéditions faites par les français dans les mers australiennes.
L'auteur a eu la bonne idée de proposer cette histoire des sciences sous l'angle de l'humain, que Danielle CLODE appelle "histoire interne", beaucoup plus que dans son contexte politique ou même les "limites de la science" d'avant les grands fondements : "Le processus d'"inconnaissance" que demande ce genre d'histoire est particulièrement difficile pour les scientifiques pour qui l'accumulation des connaissances fait partie de la formation. Et il est particulièrement difficile pour les biologistes dont l'accès au passé est bloqué par une montagne, le darwinisme, et dont la science est dominée par le paradigme premier de toute science biologique moderne: l'évolution par la sélection naturelle. Est-il vrai que tous les chemins mènent à Darwin?"
Les expéditions françaises ont eu pour objectif la découverte scientifique et non la colonisation. A travers les pages se lit les premiers questionnements sur la biologie ou la zoologie. La naissance de ces sciences apparait dans toute leur dimension politique, de pouvoir, budgétaire mais aussi dans leur approche du merveilleux et de l'inconnu avec les défis humains et physiques. D'activités loisirs des riches, ces sciences deviennent des démarches rationnelles et constructives.
Chaque chapitre apporte un élément d'une expédition sous l'angle de vue d'un des personnages importants. La biographie sommaire en début de chapitre permet de resituer l'homme ou la femme dans une chronologie globale. Cependant (et c'est judicieux) les inter-relations entre les investigateurs, relatées dans ces "fictions réelles", restent périodiques et contextuelles et nous aident à construire une histoire des sciences dans la pérennité des traces écrites: le découvreur n'est pas toujours celui que l'on croit (ou reconnu comme tel par les instances) et les étapes dans la découverte sont alors unes à unes dégagées.
En dehors de quelques libertés prises sur la vérité, c'est obligé, j'ai trouvé ce postulat de fiction par personnage des plus convaincant pour amener la tension humaine. Les ambitions, les haines, les amitiés, les aides et croches-pieds, les prises de pouvoir dans le Muséum etc.
Il fallait une certaine force d'esprit, voire une folie, pour partir à la découverte scientifique. Partir dans des bateaux pour quelques années et dans des mers inconnues. Même si les objectifs étaient quelquefois bien de prouver le pouvoir du dirigeant, les navigateurs sont des passionnés et ne se ménagent pas.
Pour les férus des sciences, l'apport est aussi important. D'une part pour l'ampleur des expéditions: nous découvrons ainsi une vingtaine depuis 1790 avec la recherche de La Pérouse jusqu'à 1840 avec la découverte de l'antarctique par Dumont d'Urville.
*source expédition de La Pérouse (avec le périple expliqué)
Mais aussi pour les détails du matériel employé. Il est aussi question des découvertes en elles-même, des partis-pris, des hésitations à rencontrer les autres, explorateurs étrangers ou autochtones. Une cartographie apparait, des peuples se dessinent et une faune et une flore nous émerveillent dans leur aspect inconnu. Il est beau de découvrir le premier regard sur une taupe d'eau (un ornithorynque), de constater les mesures de récolte, d'imaginer les planches de dessin etc.
Les notes en fin de livre sont si nombreuses que je les imagine satisfaire les plus connaisseurs.
C'est l'esprit du siècle des Lumières qui nous est conté avec des personnages importants: un Louis XVI géographe dans l'âme et un Napoléon explorateur, une Joséphine Bonaparte botaniste, un Darwin chasseur, sans compter tous les autres scientifiques et explorateurs.
Une très belle proposition reliant une histoire d'aventure avec l'histoire des sciences et des hommes de sciences et d'exploration.
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