
J’ai été enfant dans les années 80, ado dans les années 90. J’ai été un garçon passionné de voitures avant de m’en désintéresser totalement. Le nom d’Ayrton Senna m’a fait rêver quand j’étais gamin. Alors j’ai eu envie de voir ce documentaire passé par Sundance et sorti en catimini sur Paris. J’ai eu envie de retrouver ce héros de ma jeunesse dont je me suis détaché au fil des ans. « Héros » est un mot fort, mais vous savez ce que c’est, on arrondit toujours un peu certains détails de l’enfance. Le film de Kapadia m’a replongé des années en arrière. Il ne m’a pas converti en aficionado de Formule 1, mais avec ces images d’archives dont le film est uniquement constitué, avec quelques commentaires en voix-off des personnes ayant côtoyé Senna, Kapadia trouve une voix cinématographique sensible.
D’abord parce que son sujet est fort, bien sûr. Ayrton Senna, champion automobile, héros brésilien, destin tragique. Un homme pareil fait une matière passionnante pour un documentaire. Mais il y a autre chose. Il y a ce regard sur les coulisses de ce sport, ces briefings d’avant-course entre pilotes offrant tension et détente. Il y a cette marque laissée par Senna sur son pays, l’influence que ce sportif a eu sur la santé morale de ses concitoyens, l’enthousiasme national pour lui, la détresse profonde que sa disparition a entraîné (essayer de trouver une personnalité française dont le décès aurait un tel impact sur le peuple, vous n’en trouverez pas). Il y a aussi, bien sûr, la compétition sportive entre Senna et Alain Prost. Ces ennemis intimes ayant donné le meilleur ou le pire d’eux-mêmes pour arriver premier au nez et à la barbe de l’autre. A travers les images d’archive, Kapadia parvient à nouer une tension hautement cinématographique entre Senna et Prost, leur lutte continuelle, tantôt fraternelle, souvent haineuse, qui fait ces grands antagonistes cinématographiques, si loin et pourtant si proches.
