Depuis que Raymond Farquet a décidé d’arrêter d’écrire, c’est un peu le Valais qui se sent délaissé. Cet auteur important n’a cessé d’examiner, d’analyser, d’écrire sur ce canton, dans un mélange de fascination, de distance, d’amour, d’acharnement, d’adhésion, d’humeur et d’attirance qui rappelle une longue liaison passionnelle avec ses intermittences du cœur.
Farquet, né à Sion en 1930. Vit à Genève. Etudes à Fribourg. Volontaire chez Emmaüs dans sa jeunesse. Enseignant. Homme de lettres. Ses neufs livres touchent à l’autobiographie, à l’essai, au récit de voyage... Avec toujours cet ancrage sur le Valais, concept marquant de l’enfance, pays aimé et redouté, que Farquet a fui pour devoir ensuite le redécouvrir, se l’approprier en le parcourant, en le démembrant, en l’analysant, en recherchant une identité sous la diversité des communes, des régions, des villages et des mentalités.
L’Aire réédite dans sa collection bleue Le Voyage amoureux, paru d’abord en 1987. C’est une version revue et corrigée, débarrassée, écrit Farquet, impitoyable pour son texte original, « de boursouflures inutile, de fautes impardonnables, de lourdeurs maladroites ».
Le contexte: en 1983, cherchant à échapper au « désenchantement pédagogique qui [le] harcelait », Farquet prend congé sans salaire et parcourt systématiquement le Valais (« mon pays ») pendant dix mois. Il va dans les villages, dans les cafés, dans les cures, parle aux gens, essaie de comprendre comment ils voient leur environnement, comment ils se définissent, comment ils considèrent leurs voisins.
Ce qui intéresse particulièrement notre auteur, ce sont les paysans, montagnards, vignerons, les gens qui grattent la terre ou gouvernent le bétail, qui ont gardé dans leur manière de vivre quelque chose des siècles passés, qui considèrent leur commune ou leur hameau comme une communauté close, différente des autres, avec son âme propre et ses caractéristiques.
Si bien qu’il y a deux manières de lire ce voyage amoureux. Systématiquement, comme on lirait les pérégrinations d’un voyageur dans des pays lointains, ou en partant de la table des matières, à la façon d’une encyclopédie dont on cherche les entrées (des noms de village ou de vallée).
Attention: qu’on ne s’attende pas à des définitions et à des certitudes. « Le Valaisan n’existe pas. Il n’y a que des Valaisans! » lui dit d’entrée le curé de Bovernier, formule reprise à la fin du livre.
Qu’on n’espère pas non plus du folklore ou du régionalisme. Farquet n’est ni un ethnologue ni un hagiographe. Il est mieux que ça: un écrivain.
C’est à cause de ses qualités littéraires qu’on fait son miel de ce livre, qui place Farquet entre Chappaz, possesseur d’un Valais mythique et mythifié (le pays de la Bible), et Bouvier (celui de L’Usage du monde).
Raymond Farquet, Le Voyage amoureux, L’Aire bleue