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Autoportrait de l’auteur en coureur de fond de Haruki MURAKAMI

Par Lecturissime

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« Se consumer au mieux à l’intérieur de ses limites individuelles, voilà le principe fondamental de la course, et c’est aussi une métaphore de la vie –et, pour moi, une métaphore de l’écriture. » (p. 106)

L’auteur :

Haruki Murakami est un écrivain japonais. Il dirige un club de jazz, avant d'enseigner à Princeton durant quatre années. Son premier livre - non traduit - Ecoute le chant du vent, en 1979, lui vaut le prix Gunzo. Expatrié en Grèce, en Italie puis aux Etats-Unis, il rédige Chroniques de l'oiseau à ressort' en 2001 et Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil en 2002. Suite au séisme de Kobe et à l'attentat de Tokyo en 1995, il décide de revenir s'installer au Japon. Il y écrit un recueil de nouvelles Après le tremblement de terre, puis Les Amants du Spoutnik en 2003. Son roman initiatique Kafka sur le rivage, sorti en 2006, l'inscrit définitivement parmi les grands de la littérature internationale. L'oeuvre d'Haruki Murakami oscille entre la pensée bouddhiste qui voit des répercussions à nos actions sur une échelle plus large et la chronique sociale dans un cadre fantastique.

L’histoire :

Le 1er avril 1978, Murakami décide de vendre son club de jazz pour écrire un roman. Assis à sa table, il fume soixante cigarettes par jour et commence à prendre du poids. S'impose alors la nécessité d'une discipline et de la pratique intensive de la course à pied.
Ténacité, capacité de concentration et talent : telles sont les qualités requises d'un romancier. La course à pied lui permet de cultiver sa patience, sa persévérance. Courir devient une métaphore de son travail d'écrivain.

Courir est aussi un moyen de mieux se connaître, de découvrir sa véritable nature. On se met à l'épreuve de la douleur, on surmonte la souffrance. Corps et esprit sont intrinsèquement liés.
Murakami court. Dix kilomètres par jour, six jours par semaine, un marathon par an. Il court en écoutant du rock, pour faire le vide, sans penser à la ligne d'arrivée. Comme la vie, la course ne tire pas son sens de la fin inéluctable qui lui est fixée…

Ce que j’ai aimé :

Haruki Murakami réussit le tour de force de convaincre en quelques mots le plus réticent des non-sportifs des bienfaits de la course à pied. Décrivant ceux qui aiment courir comme des personnes souhaitant vivre leur vie « le plus pleinement possible » (p.105), il permet au plus commun des mortels de rejoindre une communauté qui semblait jusqu’ici fermée à ceux qui ne pratiquent pas ou très peu de sport… Il décrit très adroitement les processus psychiques, psychologiques qui régissent l’esprit durant l’épreuve, la tension omniprésente durant la course, l’effort constant nécessaire, les limites si prégnantes, puis le relâchement, le soulagement libérateur :

« A peu près à ce moment-là est née et a grossi en moi une nouvelle impression. Quelque chose que je décrirais ainsi : « J’ai accepté un défi risqué et j’ai trouvé en moi la force de m’y confronter. » Un bonheur personnel, mêlé de soulagement. Le soulagement plus fort sans doute que le bonheur. Comme si un nœud serré très fort, à l’intérieur de moi, se relâchait, peu à peu, un nœud dont je n’avais pas su, jusqu’alors, qu’il se trouvait là, en moi. » (p. 146)

-   Filant sa métaphore qui consiste à comparer la course à pied et l’écriture, il crée un parallèle lumineux entre les deux activités :

« Pour moi, écrire des romans est fondamentalement un travail physique. L’écriture en soi est peut-être un travail mental. Mais mettre en forme un livre entier, le terminer, ressemble plus au travail manuel, physique. (…) Le processus tout entier –s’asseoir à sa table, focaliser son esprit à la manière d’un rayon laser, imaginer quelque chose qui surgisse d’un horizon vide, créer une histoire, choisir des mots justes, l’un après l’autre, conserver le flux de l’histoire sur les bons rails -, tout cela exige beaucoup plus d’énergie, durant une longue période, que la majorité des gens ne l’imaginent. » (p. 101)

« En ce qui me concerne, la plupart des techniques dont je me sers comme romancier proviennent de ce que j’ai appris en courant chaque matin. Tout naturellement, il s’agit de choses pratiques, physiques. Jusqu’où puis-je me pousser ? Jusqu’à quel point est-il bon de s’accorder du repos et à partir de quand ce repos devient –il trop important ? Jusqu’où une chose reste-t-elle pertinente et cohérente et à partir d’où devient-elle étriquée, bornée ? Jusqu’à quel degré dois-je prendre conscience du monde extérieur et jusqu’à quel degré est-il bon que je me concentre profondément sur mon monde intérieur ? Jusqu’à quel point dois-je être confiant en mes capacités ou douter de moi-même ? Je suis sûr que lorsque je suis devenu romancier, si je n’avais pas décidé de courir de longues distances, les livres que j’ai écrits auraient été extrêmement différents. » (p. 105)

-   C’est une profonde et belle réflexion sur la vie, sur sa vie que nous offre Haruki Murakami dans ce texte court très accessible à découvrir sans tarder.

« Rien dans le monde réel n’est aussi beau que les illusions d’un homme sur le point de perdre conscience. » (p. 86)

Ce que j’ai moins aimé :

-   Rien, ce titre m’a donné envie de découvrir d’autres romans de cet auteur…

Premières phrases :

« Un aphorisme prétend qu’un vrai gentleman ne dit pas un mot des femmes avec qui il a rompu ou des impôts qu’il doit payer. Faux, archifaux ! Parce que moi, désolé, je ne suis pas comme ça. Il faudrait en tout cas ajouter une condition pour qu’il y ait un peu de vérité dans cette phrase : « Ne racontez à personne ce que vous faites pour rester en bonne santé. » J’ai le sentiment qu’un homme de qualité ne devrait pas se répandre en public sur les moyens qu’il utilise pour se maintenir en forme. »

Vous aimerez aussi :

Le temps qui va, le temps qui vient de Hiromi KAWAKAMI

D’autres avis :

Blogs : Fred, Yueyin, Mango

Presse : Télérama

Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Haruki MURAKAMI, traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, avril 2009, 180 p., 19.50 euros

POCHE : Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Haruki MURAKAMI, traduit du japonais par Hélène Morita, 10/18, février 2011, 220 p., 7.40 euros

Merci à Marie-Laure PASCAUD des Editions 10/18 pour m'avoir permis de découvrir cet auteur.


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