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"Take shelter" (+"17 Filles") : tornades

Par Vierasouto

Semaine De la Critique/CANNES2011"Take shelter", Grand prix et prix SACD de la Semaine de la critique, est le second film du réalisateur américain Jeff Nichols (après "Shotgun stories" en 2007). Présenté à Cannes, ce film très fort sur les crises paroxystiques de panique, qui paralysent la vie paisible d'un homme marié, a fait l'unanimité. "17 Filles", film français tiré d'un fait divers réel où dans un lycée 17 ados tombèrent enceinte au même moment pour revendiquer leur liberté de choix, est un film plat et dilué, brodant ce qu'il peut autour d'un sujet fort, néanmoins bien filmé à l'image. "Take shelter" de Jeff Nichols
Pitch.
Un ouvrier agricole, marié, un enfant, mène une vie paisible jusqu'au jour où de violents cauchemars l'empêchent de récupérer la nuit. Des hallucinations prenent le relais qui le menacent d'une tornade.

Curtis La Forche avait une vie modeste mais heureuse, vue de l'extérieur. Une épouse sympa, une fillette mal entendante, situation qu'il gère tant bien que mal grâce à sa femme, un travail d'ouvrier agricole auprès de son meilleur ami, un patron cool, des vacances au bord de la mer. Soudain, de terribles cauchemars dévorent les nuits de Curtis, l'empêchant de récupérer le jour où, bientôt des hallucinations prenent le relais. Un thème majeur : la phobie aigue de la tornade dans une région où cela existe.

photo Ad Vitam
Le premier cauchemar mettant en scène son chien qui lui déchiquette le bras, Curtis enferme le chien dans un enclos, le donne plus tard à son frère. Puis, Curtis se met en tête d'agrandir démesurément son abris anti-tornade, enclenchant un processus sans retour. Pour ces travaux, il s'endette au delà de ses capacités à rembourser la banque, pire, il utilise le matériel de l'entreprise sans assurance, des machines, bulldozer et pelleteuse, pour creuser dans son jardin.
Isolé de tous, sa femme ne comprenant pas son attitude, son meilleur ami non plus, son patron furieux, Curtis va rendre visite à la source de son mal, sa mère, enfermée à l'âge de 30 ans pour schizophrénie paranoïde alors qu'il n'avait que dix ans. Depuis, une obsession sous-jacente à la phobie de la tornade occupe l'esprit de Curtis : ne pas être obligé d'abandonner sa famille, soit sa femme et sa fille, les mettre à l'abris avec lui dans ce fameux abris anti-tornade.

photo Ad Vitam
Le film bénéficie d'une mise en scène très efficace au service de la paranoïa qui s'empare de son héros dont les cauchemars occupent rapidement les jours autant que les nuits. Ciel bas, orage, nuées d'insectes, oiseaux morts, musique angoissante complètent le tableau de la solitude extrême d'un homme face à ses crises de panique. L'acteur principal (Michael Shannon) interprétant Curtis n'est pas loin du surjeu, tourmenté, harrassé, le regard exhorbité, mais ça fonctionne. La phobie de la tornade retenue par le récit est habile car elle correspond à cette angoisse ancestrale des Gaulois que le ciel leur "tombe sur la tête", aujourd'hui recyclée en peur de l'Apocalypse. Il suffit de voir les commentaires sur Twitter en sortant de la projection du film repris dimanche à la Cinémathèque française où, par hasard, s'est abattue une tempête sur Paris dans la demi-heure qui a suivi, je me suis prise moi-même à penser à l'abris anti-tornade de Curtis...
Efficace, donc, excepté une fin de film double (on se se serait contenté de la première fin...) Sauf que la quantité de films sur la folie ordinaire, les névroses tout terrain et l'angoisse dans toutes ses déclinaisons, qu'on a pu voir au dernier festival de Cannes, frise l'intox... (la dépression nerveuse de Lars Van Triers dans "Melancholia", la pédophilie "ordinaire" dans "Michael" et "Polisse", le carnage des élèves d'un lycée par un de leurs camarades dans "We need to talk about Kevin"', la prostitution sous anesthésique dans "Sleeping beauty", la démence Frankenstein d'un chirurgien qui perdu sa femme carbonisée dans un accident de voiture dans "La Piel que habito", la crise de folie d'un père de famille qui n'assume pas son homosexualité dans "Skoonheid", la paranoïa d'une rescapée d'une secte dans "Martha Marcy May Marlene", l'enfance traumatique d'Eva Ionesco forcée de faire, enfant, des photos érotiques pour sa mère, etc...)
"17 Filles" de Delphine et Muriel Coulin

Pitch.
Dans une petite ville au bord de l'océan, 17 adolescentes du même lycée décident de tomber enceinte au même moment, suscitant l'incompréhension et le désarroi de leur entourage.

L"héroïne s'appelle Camille, bien entendu, on n'y échappe pas dans le cinéma français depuis quelques temps, de même qu'il y a invariablement Noémie Lvovsky au générique et surtout qu'ontombe la plupart du temps dans l'exemption française de scénario : ici, une idée forte, un film creux avec une juxtaposition de scénettes brodant, meublant, pour étirer sur 1h30 la bonne idée d'un sujet choc... Un sujet tiré d'un fait divers de 2008 : dans un lycée de Lorient, une adolescente tombe enceinte, par hasard, plutôt démunie au départ. Puis, elle persuade ses camarades d'en faire autant, trouvant les arguments pour convaincre : un enfant qui les aimera toujours, la liberté de choisir, des mères jeunes pour comprendre leurs enfants, une communauté où élever tous ces enfants ensemble. Très vite, les autres ados oublient le point de départ et se persuadent qu'elle commettent un acte de rébellion, sésame de liberté, selon le principe que la liberté serait de s'opposer à leurs parents.

photo Diaphana

Les réalisatrices se régalent de filmer cette rimbanbelle de jeunes filles, toutes plutôt jolies, pas toutes douées pour le métier d'actrices, ce défilé d'anti-mode Converse, jean et cheveux emmêlés, alignant les clichés gentillets de révolte adolescente butée. Le noeud du récit, qui serait l'entraînement des 15 filles par la seizième (la 17ième accompagnant les autres), est abordé au début et à la fin du film mais complètement banalisé dans le coeur du film ne sachant pas trop quoi raconter, montrant les étapes médicalisées d'une grossesse, les tests, les échographies, etc... Et les virées entre filles, voire avec quelques rares hommes dont ces 17 filles ont apparemment décidé de se passer (au delà de la conception rapide de l'enfant) ; ce rejet des hommes devenus objets, autre sujet vraiment intéressant, n'est absolument pas abordé. Le film ne mise que sur une chose, et c'est déjà large, l'empathie avec les spectatrices pour un thème qui leur parle physiologiquement.


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