Un film de Eric Rohmer avec Arielle Dombasle, Fabrice Luchini, Pascal Greggory
Comédie dramatique – France – 1h45 – 1992
Synopsis : Le jeune maire socialiste d’un petit village vendéen ambitionne d’y faire construire un complexe culturel et sportif de grande envergure. Tout irait au mieux dans le meilleur des villages possibles, si…
D’abord, il s’agit de Julien, un maire de province qui décide d’un nouveau projet pour sa ville, autant à des fins politiciennes (faire parler de lui) que par conviction profonde. Il s’agit d’aider à la décentralisation en amenant la culture à la campagne. Et pour cela, créer au milieu de sa petite ville une médiathèque ambitieuse avec parking, discothèque et piscine intégrés.
Dans l’oeuvre de Rohmer, certaines conversations se poursuivent de film en film. La place de la campagne et celle de la ville font partie de ces préoccupations qui traversent toute la filmographie du cinéaste, donnant souvent à ses personnages des débats enflammés. Face à Bérénice, sa compagne, Julien défend ardemment la nature, le calme et les relations humaines de la province. Mais Bérénice, une artiste bobo parisienne, fait partie d’une autre gauche, portée par le progrès, l’excitation citadine, l’art et la culture.
Pourtant, face à Marc, l’instituteur du village, Julien est un snob de la ville. Marc est amoureux de la nature, il considère les paysages naturels comme des oeuvres d’art à part entière et il ne veut pas de cette médiathèque qui ne peut que perturber l’harmonie de cet espace préservé qu’est la campagne.
Entre la gauche intello et la gauche écolo, entre l’élitisme déconnecté des uns et le conservatisme populaire des autres, Julien essaie de trouver une troisième voie, progressiste mais proche des gens, promouvant la culture sans sacrifier la nature. Construire les modes de vie de demain s’avère délicat, surtout quand les problématiques d’urbanismes se heurtent à des considérations aussi bien financières que matérielles, fonctionnelles, esthétiques ou même éthiques. Les points de vue et les projets de chacun sont alors discutés avec intelligence et passion.
Mais Rohmer décide ici de prendre du recul sur son propos grâce à une narration qui relativise l’importance de ces débats en soulignant le rôle d’un acteur omniprésent dans la marche politique de l’histoire : le hasard. Le réalisateur s’amuse des causes inattendues (une histoire d’amour, un voyage, un répondeur débranché ou un ballon perdu) et des conséquences imprévisibles qui s’enchaînent en cascade jusqu’à aboutir à des situations aléatoires qui remettent en question tous les efforts d’un personnage qui se débat presque en vain.
L’Arbre, le maire et la médiathèque est une fable intelligente et fraîche sur la difficulté de l’engagement politique, balloté entre des ambitions individuelles, des convictions contradictoires et le poids de l’impondérable.
Note : 8/10