J’ai regardé le film de Dominique Marchais Le temps des grâces (2009). C’est un documentaire sur le monde agricole français aujourd’hui construit autour de récits d’agriculteurs en activité ou à la retraite, d’écrivains, de chercheurs, de fonctionnaires… Il dure 2H03 et se compose de deux parties : tout d’abord, les transformations des paysages agricoles et du travail de l’agriculteur ; puis ensuite les conséquences de ces transformations et les solutions pour y remédier. Le film est parcouru des questions majeures que se pose ce secteur en proie aux transformations rapides du monde et à un avenir incertain.
Tout d’abord, la première partie parle de la transformation des paysages agricoles surtout depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. On y parle de l’arrachage des haies, des remembrements et de la spécialisation agricole de régions. Les mauvaises terres sont réservées à l’élevage et les terres riches aux cultures céréalières. Unagriculteur de l’Yonne montre une parcelle remembrée qui fait 50 hectares alors qu’elle était divisée en dix parcelles quelques années auparavant. Cela illustre les remembrements des parcelles qui, pour faciliter le travail réduisent la richesse paysagère et la biodiversité. En effet, les haies abritent une flore importante et riche qui permet une certaine diversité biologique.
Il est aussi question du grignotage des terres agricoles par l’urbanisation. Cette dernière détruisant malheureusement les meilleures terres puisque celles-ci se trouvent généralement à proximité des villes. L’exemple de la Loire-Atlantique (Pays-de-la-Loire) où 2 000 hectares disparaissent à cause de la ville.
La première partie finit sur la diminution du nombre d’agriculteurs et du rapport à la terre. Il y est dit qu’ils sont de plus en plus des industriels et qu’ils ne sont plus à l’écoute de la terre. Ils ont perdu le rapport qu’avaient les anciennes générations. Ces dernières savaient quand il était temps de planter, comment faire de bonnes rotations des cultures. Ce savoir-faire s’est perdu avec l’arrivée des engrais chimiques et la spécialisation des agriculteurs.
Le documentaire insiste sur la rapidité de ces changements et la transformation radicale des paysages de certaines régions comme la Beauce au sud-ouest de Paris.
La deuxième partie quant à elle, s’attache à expliquer les conséquences de ces évolutions.
Ainsi, l’homogénéisation des cultures a fait disparaître des espèces animales et végétales que les hommes avaient mis des centaines d’années àcréer par sélection afin de mieux résister aux conditions locales. Chaque terroir avait ses vaches, son blé, son vin. Tout cela a quasiment disparu aujourd’hui.
Un point important évoqué est l’appauvrissement des sols. En effet, à force d’utiliser des espèces qui produisent beaucoup, de déverser des tonnes d’engrais, pesticides et fongicides sur les champs, les sols sont morts. C'est-à-dire qu’il n’y a plus de vie dans la terre, plus de vers-de terres, de bactéries et de champignons pour fabriquer les minéraux dont les plantes ont besoin ; d’où une augmentation de l’utilisation des engrais et une pollution des eaux. En France, on a atteint des records de rendements à 130 quintaux de blé à l’hectare alors que l’on pensait pouvoir atteindre les 150 quintaux avec toutes les technologies. Mais cela n’a jamais été possible à cause de la dégradation des sols. Un microbiologiste explique qu’une expérience en Nouvelle-Zélande a été tentée sur une terre vierge à laquelle on a rajouté toutes les technologies d’enrichissement modernes. Résultat : 175 quintaux à l’hectare mais la terre était riche en micro-organismes. Il est donc possible d’augmenter les rendements si la terre est vivante. Le scientifique explique qu’il faut réintroduire de la matière organique dans les sols. Pour cela, il faut replanter des haies qui permettront avec le produit dela taille de recréer un écosystème souterrain et d’enrichir la terre.
La deuxième partie cherche à nous montrer qu’il faut changer la façon de produire car les sols sont fatigués et qu’il faut une agriculture plus raisonnée afin de valoriser la qualité et non pas la quantité car la France ne peut être compétitive avec les producteurs du Sud.
Ce documentaire invite donc à se demander si le système tel qu’il est aujourd’hui, reste viable. Le monde agricole est en crise, les problèmes sont évoqués et les solutions aussi.
Je le recommande à tout ceux qui aiment l’agriculture, ses paysages mais aussi aux autres. Les seuls commentaires sont ceux des personnes interrogées. On découvre un monde frappé par de nombreux bouleversements mais qui tente de faire face. En revanche, on y parle peu des relations entre les agriculteurs et les consommateurs, du poids des grandes surfaces et des agricultures de qualité qui se développent actuellement.
Le temps des grâces, un film de Dominique MARCHAIS, 2009, 2h03
Voici le lien de la bande annonce : http://www.youtube.com/watch?v=Ix8DrbwHVp0
Florian Thomas